• L'"écume des mots", atelier d'écriture en chair et en os, nous faisons régulièrement des sorties-découverte, qui nous inspirent grâce à des consignes et des voies d'inspiration.
    Cette fois : Rencontre avec Alexandre Séon, au musée des Beaux-Arts de Quimper.
    Nous devons évoquer ce que nous inspire ce portrait, 
    qui est celui de notre oncle, 
     jamais vu jusqu'alors ...
    ..................................................

    Mon oncle.
    Ton oncle, quand tu le verras, tu tomberas des nues ! Nous l’avons d’ailleurs invité pour te le présenter.

    Depuis mon enfance, sa compagne, Tatie, m’a fait découvrir les œuvres de ses loisirs : un superbe circuit de chemin de fer miniature qui couvre le sol de la chambre d’enfant, vide. Belle reproduction du premier transsibérien , ses aiguillages, ses voitures enneigées, les voyageurs qui montrent leur bout du nez hors de la fenêtre, dans l’air glacial. Ce circuit occupe tous ses moments libres, au point d’oublier régulièrement ses obligations « bassement terre-à-terre ».

    Il est horloger-bijoutier, et en présente les outils, la précision, la minutie, la patience, et l’exigence du travail bien fait. Un authentique modèle vivant, un exemple de mode de vie.

    Mais le voici soudain, entrant en coup de vent. Il est aux antipodes de l’homme que j’imaginais : Il n’a rien du petit homme frêle, les lunettes rondes sur le nez, la loupe à l’œil. Grand, solide gaillard dont la grande blouse de travail m’impressionne, mon gentil oncle, c’est Raspoutine … Ah ! quand l’imagination vous joue des tours …

    Mais le prénom de mon oncle est, tout bonnement, Pierre. On ne m’a jamais dit que c’était Joséphin, un certain fondateur d’un certain mouvement ou religion Rose-Croix. Je n’y comprends rien, les petits trains, ou les messes occultes ? après tout, pourquoi pas ? avec tout de même de l'organisation : pas les deux simultanément, cela ferait désordre, non ?

    Joséphin Raspoutine, ça allait bien ensemble, pourtant.

    Patatras.


    Loïc

    ESPERANTO : 

    Kunveno kun Alexandre Seon, la Museum of Fine Arts en Quimper

    La "ŝaŭmo de vortoj," skriblaborejon , ni regule malkovras de eligoj, 
    kiuj inspiras nin per instrukcioj kaj inspira manieroj.
    Tiu tempo: Kunveno kun Alexandre Seon, en la Museum of Fine Arts en Quimper.
    Ni devas diskuti, kion inspiras nin tiu portreto, 
    kiu estas tiu de nia onklo, 
     neniam vidita antaŭe ...
    ..................................................

    Mia onklo.
    Via onklo, kiam vi vidos lin, vi falos el la cielo ! Ni ankaŭ invitis por prezenti al vi.

    Ekde infanaĝo, lia kunulo, onklinon, enkondukis min al la verkoj de siaj hobioj: bela modelo fervojo cirkvito kovranta la plankon de la infana ĉambro, malplena. Bela reprodukto de la unua Trans-Siberian, lia ŝaltiloj, neĝa aŭto, pasaĝeroj, kiuj montras ilian nazon el la fenestro, en la glacia aero. Tiu cirkvito tenas sian tutan liberan tempon al la punkto de forgesante sian regulaj devoj "malsupren-al-tero."

    Estas horloĝisto kaj juvelisto, kaj prezentas la iloj, precizeco, solideco, pacienco, kaj la postulo por laboro bone farita. Aŭtentika vivanta modelo, ekzemplo de vivstilo.

    Sed ĉi tie subite enirante ventego. Estas homa ne laux mi imagis: Ĝi havas nenion nefortikan vireton, rondaj okulvitroj sur la lupeo por la okulo. La vasta kitelo impresas min, mia dolĉa onklo estas Rasputin ... Ha! kiam imagpovo trompi sur vi ...

    Sed la nomo de mia onklo estas, simple, Petro. Mi neniam diris ke estis Joséphin, fondinto de religia movado aŭ Rosicrucians. Mi ne komprenas, malgrandaj trajnoj, aŭ la occultaj masoj? post ĉio, kial ne? kun ĉiuj samaj organizo: ne ambaŭ, kiu volus salaton, dekstra?

    Joséphin Rasputin, ĝi iris bone kune, kvankam.

    Patatras.

    Loïc
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  • "Fontarrabie est une commune du Guipuscoa dans la communauté autonome du Pays basque en Espagne située à la frontière française sur la rive gauche de l'estuaire de la Bidassoa, en face d'Hendaye, avec Irun, Pasaia et Lezo pour voisins." 

    Ce qui  m'intéresse a priori, dans cet article de Wikipedia, est ceci : en Français Fontarrabie, en espagnol Fuenterrabía ("fond sableux"), en basque Hondarribia. Les Basques (espagnols ou français ? non, les Basques !) ont en effet décidé, assez récemment, de restituer à cette commune son nom originel. J'y suis sensible à titre de Breton (même non bretonnant), car chez moi aussi on a "traduit" jadis certains noms en français, souvent de façon assez loufoque ! un exemple : Le nom breton "Kroazhent" signifie un carrefour; on a cru bon de le traduire par "croissant" (au beurre ?). Si encore on avait pensé à "croisement", ou (mieux ?) "Croix ... suivi du nom du lieu-dit", cela aurait été plus correct.
    Mais les technocrates sont là pour l'être, pour ne pas savoir écouter les avis des "autochtones indigènes" ! On passe, on décide, on est un rouleau compresseur des cultures régionales.
    Alors, les gens du coin (les "imbéciles qui sont nés quelque part" ?) s'accrochent, se démènent, mais ... "La langue de la République française est le français", dit la sacro-sainte Constitution. La France est un des derniers pays européens à ne pas avoir signé la Charte des langues et cultures régionales.

    Tout ceci pour me demander : "Mais que fait cet homme ?". Je l'ai aperçu, juste avant de déclencher une prise de vue, et j'ai attendu, pressentant un "truc à faire". Oui, même en voyage, j'ai mon blog en tête !


    Le visage de cette personne est flouté (respect du droit à l'image)
    Et cela commence à vagabonder dans ma tête, à imaginer, à fantasmer ... Cet homme, manifestement, se cache. Il fuit, comme son regard. Peur ? non. Mais l'inquiétude de celui qui ne veut pas, dans cette petite ville, être reconnu. Il fait sans doute partie, certainement même, d'un de ces groupes politiques indépendantistes ou pour le moins autonomistes, qui désirent peut-être "continuer la lutte", ne pas déposer les armes. Il est de ce peuple fier, qui veut rester debout. Et il va là participer, dans une maison discrète (juste plus haut que le restaurant) à une de leurs rencontres. 
    Soudain, il s'approche de moi ! L'air menaçant, il m'adresse la parole, en grognant. Il parle basque, le basque que l'on entend en grande majorité ici. Avec les quelques mots que je connais en espagnol, je lui explique ce que je fais là, montrant les maisons, mon appareil-photos ... 
    Il me répond brièvement... en français (il déteste certainement la langue de "l'occupant"), me fait comprendre que "c'est bon, mais passez votre chemin".
    Je ne demande pas mon reste, et descends cette rue, infréquentable !
    Ma curiosité est la plus forte : Je jette un regard en arrière. Il s'est effectivement glissé dans la maison. Il faut que je m'éloigne, pour ne pas passer pour un espion.
    Des cris de joie, des rires, se font entendre tout à coup. Puis des bruits d'embrassades, des paroles qui se passent  de traduction ... Dulcinée !
    ................................................. 






     
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  •  Une belle visite, des découvertes, des oeuvres qui nous "parlent", nous émeuvent au plus profond de nous, sans pouvoir (ni vouloir) l'expliquer : Pas d'explication, l'émotion et le plaisir, tout simplement.

    Une exposition unique internationale, dans cette petite ville de Landerneau, au Fonds Hélène/Edouard Leclerc (oui, "l'épicier de landerneau" !)
     ....................................................
    Artiste majeur du XXe siècle, Alberto Giacometti (1901-1966) a produit une oeuvre à dimension universelle, dans l'espace mythique de son atelier de Montparnasse à Paris.
      • Résultat d'un travail de recherche dans les collections et les archives de la Fondation Giacometti et d'une nouvelle campagne de restauration, cette exposition inédite a été conçue spécifiquement pour l'espace du Fonds Hélène & Édouard Leclerc.
        Des œuvres de la période pré-surréaliste et surréaliste à celles de la maturité centrées sur la figure, elle propose une relecture originale d'une trajectoire artistique sans équivalent. A la fois chronologique et thématique, le parcours présente les grands axes du travail à travers des œuvres iconiques de chacune des périodes, mais aussi des travaux inédits ou rarement exposés. Une évocation de l'atelier est proposée au centre de l'exposition.

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  • Pour les Croqueurs de mots, sur le thème de la mer :
    Une surprenante découverte sur le site de l'INA :
    Notre Eddy Mitchell national chante "La mer", de notre non moins national Charles Trenet ! Nous sommes le 9 décembre 1963 ....
    Et cela dans un style tout à fait sixties, bien balançant : On le reconnaît à peine !
    En tous cas, bien agréable à écouter, dites donc. Et surtout : Toute la poésie de cette merveilleuse chanson est respectée ...
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  • Voici Sarlat, cette belle ville du Périgord, que nous avons eu un grand plaisir à (re)découvrir. Beaucoup de jolis coins non encore connus, et nous avons, particulièrement, retenu l'initiative de la "boîte à lire", nommée ailleurs le "passe-livre" (à la différence que le passe-livre suggère de laisser "son" livre (qui du même coup n'appartient plus à personne) n'importe où, à disposition de tout passant : 
    Excellent !
    (à vous, ensuite, de remplacer - ou pas - le livre par un autre que vous désirez faire connaître)
    Cette action s'appelle le "bookcrossing" outre-Manche.

     Notre album-photos de SARLAT, ICI

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  •  Vierge des mers, pourquoi ?

    Tous les marins du monde

    s’y retrouvent ! Alors…

    Trois mois de navigation,

    trois mois à terre. On s’occupe …

    Mais est-ce bien une terre, Ouessant ?

    Un bateau, des retraités, au bord de l’eau,

    Ils pêchent, l’eau leur manque,

     Ils y ont passé leur vie.

    Une terre ? Oui, pour les « doryphores »,

    Les touristes, les envahisseurs,

    Et aussi pour les quelques fonctionnaires

    Qui persistent -pas le choix- à y demeurer :

    Employés de mairie, etc.

    Etc… ? Lesquels ? Ah oui ! l’instit.

    Balancé là… Pas à se plaindre :

    Il avait postulé –premier poste- pour la circonscription « Brest 5 »,

    Ouessant en fait partie. Perdu !

    Enez Eussa, mauvaise pioche,

    Têtes de pioche, ces enfants-rois,

    « Avenirs de l’île »,

    Passés vite fait sur le continent, tu parles !

    Tout va bien, c’est l’été indien du coin :

    La côte carte postale,

    Les phares, les balises,

    Oh-que-c’est-beau-magnifique-Bretagne,

    Photos, balades en mer, horizon-torticolis…

    Octobre : plus un chat.

    Pluie. Ennui. Pluie. Vent. Ce vent …

    Le vélo n’avance pas.

    Tour de l’île, encore un puis un autre.

    Le cinéma a fermé, restent les bistros.

    Anxieuse attente du samedi :

    Mer trop forte, pas de bateau.

    Rempile pour la semaine prochaine … Même pas sûr.

    Longues soirées solitaires

    à la maison Jeanne d’Arc, « logement de fonction » sinistre.

    Franco agonise, sans fin,

    Qu’il en chie.

    Premier anniversaire de Giscard,

    Qu’ils en chient.

    Autres mondes. Moral en berne, les abysses.

    Vierge des mers,

     Mon cul.

    Loïc

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  • La SALAET propose le spectacle créé l'an dernier à Quimper 
    "Brocéliande et autres poèmes"
    le 18 juillet à 18h à Ty-Théâtre (près de Quimper)
    et le 22 juillet à la chapelle de la Ville-close, à Concarneau.

    Le site de la SALAET : ICI 
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    2 commentaires
  • Bonjour, j'ai une question, provenant d'un bloggueur qui voudrait bien poster un commentaire à la suite d'une de mes publications.
    Au moment de cliquer pour valider le commentaire, apparaît une pub (toujours la même), voir le copie d'écran ici :





    Vu mes connaissances informatiques ... Help ! comment corriger cela ? j'ai déjà conseillé l'installation de adblock, mais la personne l'a déjà ... et c'est la première fois que cela arrive.
    Pour ne pas encombrer ou déranger, prière de me répondre sur "pour nous contacter, dans la rubrique de la colonne de gauche. Et merci d'avance, car je compte sur vous !
    LOIC
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    6 commentaires


  •  
     Qui se plaignait – osait se plaindre ! – il y a peu, des cris des mouettes ? de ces pauvres et jolis oiseaux qui expriment tout simplement leur bonheur et leur joie de vivre ? Bon, leur fringale aussi, je vous l’accorde !
    Je vous rassure : cela n'est rien. Allez vous promener au nord de la presqu'île du Cap-Sizun, près de la Pointe du Raz, en un lieu nommé « Réserve naturelle du Cap-Sizun » : Non, ce n'est plus un cap, c'est une péninsule–capharnaüm, un enfer… de bruit ! Mais seulement de bruit, de cris de toutes sortes. Car, en fait, soyons sérieux, c'est un vrai paradis, une étape de salut, un lieu de protection, adopté à vie par tous ces oiseaux en danger. Ici ils peuvent se reposer après les migrations, et faire perdurer l'espèce.
    Munissez-vous de bonnes chaussures, de patience, mettez-vous bien dans le crâne la règle d'or du silence. Silence, car tous risquent de s’envoler de leurs refuges dans la roche, pour disparaître et ne plus jamais revenir. « Dommage » (pas pour la photo, mais pour leur tranquillité). Quand on y est, on se poste (les jumelles sont les bienvenues), on se tait, on profite, on jouit de ce spectacle ... Mouettes tridactyles, goélands bruns, fulmars, hérons, guillemots, fous de Bassan, cormorans huppés, aigrettes… Plusieurs milliers !
    L'aigrette, une autre espèce (à protéger ?), un drôle d'oiseau, lui, qui a repris son service de Bénodet aux îles, chargé de visiteurs. Pas la même beauté… et le bruit des moteurs couvre même parfois ceux des mouettes et des touristes !

     La réserve naturelle du Cap-Sizun : ICI
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  • Je m'y suis laissé prendre pendant longtemps : "Tiens, j'aime bien ce chant de marin, chanté par Michel Tonnerre ..." Mais il est DE lui, ce chant, ai-je fini par apprendre !
    Il connaissait bien Groix, au large de Lorient, où beaucoup d'îliens portent ce nom de famille qui flotte au vent comme un drapeau, et roule comme une déferlante.
    Il a eu une vie très mouvementée, a navigué sur tous les océans. Il en a rapporté la houle, dans la face et dans le coeur, a écrit de belles chansons "de marins" dont on jurerait qu'elles datent des XVIIIème et XIX siècles.
    Ici non plus on ne fait pas dans le folklorique ou dans le gnangnan pleurnichard ! On y trouve la pudeur des chants d'un homme sensible, émouvant, humain en un mot. En français, une complainte. En breton, une gwerz (des gwerziou) ...

    Mon p'tit garçon

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    9 commentaires
  • Rencontre avec des Ecrivains 

    Le jardin des Auteurs dans le Jardin de l'évêché le samedi 11 juillet de 9h30 à 21h30  (gratuit) (En présence d'une vingtaine d'auteurs)

    Le samedi 18 juillet : Atelier à Crozon de 10h à 12h
    Chez Nicole  au 18 rue Graverau (10 euros)

    Promenade d'écriture le mercredi 22 juillet de 14h à 16h à
    Pont-Croix. Rendez-vous devant la bibliothèque (10 euros)

    Stage d'écriture le 24 et 25 juillet à L'écrithèque 27 rue de kergestin à Quimper  de 9h30 à 12h30 et de 13h30 à 16h30
    (120 euros les deux journées)   

    Et Atelier  tous les jeudis au Manoir de Squividan  à Clohars Fouesnant de 16h à 18h pendant l'été ( Gratuit)

    Précisions : Nous sommes une association et notre but est de permettre à chacun de vivre ces instants d'écriture aussi pour ceux qui auraient des difficultés d'argent (sans emploi par exemple) nous pouvons proposer des tarifs réduits)
    N'hésitez pas à nous le faire savoir. 
    www.ker-hars.fr
    www.sculpturedecriture.sitew.com
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    2 commentaires



  • Les « penn sardin », chant des sardinières de Douarnenez.

    Toujours sur les croqueurs de mots : Cette fois nous choisissons un poème ou une chanson sur le thème de la mer, et nous disons pourquoi nous l’aimons.

    …………………………………

    La mer est (en cette période de vacances, particulièrement) synonyme de liberté, de temps libre… Mais encore aujourd’hui, du moins en Bretagne, elle est aussi (surtout ?) la mère emblématique de ces métiers spécifiques, de ces emplois directs ou indirects, du marin-pêcheur au mareyeur et au vendeur des halles, du matelot mécanicien au fourrier, au bosco, au pilote de l’Aéronavale… Une liste infinie.

    Dès que les luttes sociales dans le milieu maritime sont évoquées, j’ai en tête la « grande grève » de 1924 après celle de 1905 des ouvrières d’usine (penn sardin) de Douarnenez, la première commune française –  tout de même – à avoir par la suite, élu un maire communiste. Tout est expliqué ici.

    Claude Michel, avec sa gouaille et sa voix un peu éraillée, a composé cette chanson pour revendiquer haut et fort, fièrement surtout, son appartenance à ce milieu : militante sociale, et militante féministe. « Ce que je déteste par-dessus tout ? les machos ! » (À 80 ans, elle en a certainement connu plus d’un, dans sa jeunesse). Accordéon diatonique, harmonica, nous voici dans les chants de marins ? Non, pas tout à fait, car ici ce n’est pas le folklore des chants de travail (à hisser, à tirer, à ramer…). Nous sommes dans la revendication, la lutte sociale que n’ont pas forcément menée tous ces travailleurs de la mer, par empêchement, par ignorance, par manque de force…

    Très souvent, les marins au long cours emportaient pour leur voyage un harmonica, ou pour les moins pauvres, un diato. On répétait alors des chants connus sur tous les ponts, et souvent internationaux. Ou alors, certains créaient de nouvelles chansons sur une musique déjà existante, lorsqu’une occasion se présentait : événement particulier à bord, bagarre, escale mouvementée...

    À défaut d’être en tous points le reflet du travail de la vie à bord ou dans l’usine, ces chants respirent l’ambiance de l’époque, l’état d’esprit, parfois la joie d’être ensemble, mais la souffrance surtout.



    Penn Sardin

    Une chanson écrite par Claude Michel et composée par Jean-Pierre Dovilliers, parue sur l'album "Toi mon accordéon" et qui raconte la célèbre grève des sardinières de l'usine Carnaud en 1924, symbole de la prise d'autonomie et de l'engagement des femmes, symbole de l'histoire du Finistère (Article 1 - Article 2).
    Il fait encore nuit, elles sortent et frissonnent,                                           
    Le bruit de leurs pas dans la rue résonne.

    Refrain :
      Écoutez l' bruit d' leurs sabots
      Voilà les ouvrières d'usine,
      Écoutez l' bruit d' leurs sabots
      Voilà qu'arrivent les Penn Sardin.

    À dix ou douze ans, sont encore gamines
    Mais déjà pourtant elles entrent à l'usine.

    Refrain

    Du matin au soir nettoient les sardines
    Et puis les font frire dans de grandes bassines.

    Refrain

    Tant qu'il y a du poisson, il faut bien s'y faire
    Il faut travailler, il n'y a pas d'horaires.

    Refrain

    À bout de fatigue, pour n' pas s'endormir
    Elles chantent en chœur, il faut bien tenir.

    Refrain

    Malgré leur travail, n'ont guère de salaire
    Et bien trop souvent vivent dans la misère.

    Refrain

    Un jour toutes ensemble ces femmes se lèvent
    À plusieurs milliers se mettent en grève.

    Refrain :
      Écoutez claquer leurs sabots
      Écoutez gronder leur colère,
      Écoutez claquer leurs sabots
      C'est la grève des sardinières.

    Après six semaines toutes les sardinières
    Ont gagné respect et meilleur salaire.

    Refrain

    Dans la ville rouge, on est solidaire
    Et de leur victoire les femmes sont fières.

    Refrain

    À Douarnenez et depuis ce temps
    Rien ne sera plus jamais comme avant.

    Refrain
      Ecoutez l'bruit d'leurs sabots
      C'en est fini de leur colère,
      Ecoutez l'bruit d'leurs sabots
      C'est la victoire des sardinières.



    Loïc
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    14 commentaires
  • Chez les "Croqueurs de mots" : Rendez un hommage  un océan, ou une mer ...
    ......................................



    Mer courage.

    Si je devais te rendre hommage en un seul mot, Manche, ce serait « courage ».
    Je t'ai toujours connue, tu fais partie de ma famille, car j'ai grandi chaque mois de juillet, de ma naissance à mes 14 ans, dans des vacances merveilleuses à trente kilomètres de Brest, notre port d'attache.
    Tu n'étais alors que soleil, plages, jeux…
    La Manche, the Channel, Mor Breizh, oui, mais toujours la même, indomptable et fougueuse : le passage maritime le plus fréquenté au monde est un boulevard encombré, où chacun doit en permanence prendre garde aux courants (le Fromveur, entre Ouessant et le continent, l'Iroise, à l'entrée de la rade de Brest, ...). Attention aussi aux collisions ! L'Abeille Bourbon, l'un des plus gros remorqueurs qui soient, et le Phare du Four, veillent. Un nom prédestiné, dans ce lieu face à Porspoder, où les vagues gigantesques, et les tourbillons du diable sont un véritable tambour de machine à laver.
    Tu exprimais un courage immense en roulant tes eaux violées, outragées, et je me tenais debout, immobile et figé de stupeur, indigné, au bout de la Presqu'île Saint-Laurent, en 1978, lors de la catastrophe puante et gluante de l'Amoco Cadiz. Tu as, Manche, partagé avec nous une grande part de ton courage et de ta dignité, pour nous aider à surmonter l'ignoble.
    Tout est aujourd'hui, voudrait-on nous faire croire, bien réglé, sécurisé, bien comme il faut, dans le Rail d'Ouessant.
    Mais tu sais, bien mieux que nous, que Nature ne se soumet jamais.
    Courage n'est pas inconscience, tu le sais bien, les gens de mer aussi.

    Loïc


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    14 commentaires
  • L’Écho des vagues,
    chɶur  du Pays fouesnantais,

    a le plaisir de vous annoncer
    son prochain concert

    le vendredi 10 juillet 2015
     à 21 heures
    en l'église de Beg-Meil, Fouesnant

    Ce concert, composé d'une première partie de chants sacrés (18ème) et d'une seconde d'airs d'opéra (19ème),  sera conduit par Pierre-Emmanuel Clair. La soliste soprano Mitsuyo Segura, interviendra dans quelques chants du chɶur et chantera également plusieurs airs en solo. La soliste mezzo Véronique Gervais interprétera notamment le solo du chɶur des Bohémiens. L'accompagnement sera assuré par Christian Riché au clavecin, puis par Arnaud Tessier au piano, ainsi que par Ruth Ehkirch au violoncelle et Laure Juillard au violon.

    (entrée : 10 € sur place, 8€ en pré-vente dès maintenant à l'Office du tourisme de Fouesnant)
    Vous trouverez ci-dessous l'affiche du concert, des précisions sur le programme, et une courte présentation des intervenants. Votre présence nous fera grand plaisir. Et n'hésitez pas à rediffuser ce mail d'information à vos amis et relations. 



                                                         
    PROGRAMME

    Il sera divisé en deux parties, une première baroque, accompagnée au clavecin par Christian Riché, une seconde de choeurs d'opéra accompagnée par Arnaud Tessier au piano.
    La première partie sera l'occasion pour le choeur de présenter en totalité le Credo de Vivaldi qui n'avait été chanté que partiellement l'an passé, ainsi que d'autres oeuvres sacrées. 
    Mitsuyo Segura, soliste soprane, interprétera Armatae face, extrait de Judith triomphans, d'A. Vivaldi.
    En seconde partie le choeur chantera plusieurs oeuvres nouvelles :
    - Va pensiero, Nabucco, G. Verdi
    - Patria oppressa, dans sa version de 1865, Macbeth, G. Verdi
    - Treulich Geführt, Lohengrin, R. Wagner
    - Possente Fthà, Aïda, G. Verdi
    - Choeur des bohémiens, Il trouvere, G. Verdi, avec en soliste mezzo Véronique Gervais.
    Mitsuyo Segura interprétera  "Casta Diva" (Norma, V. Bellini)  et "Voi lo sapete" (Cavaleria rustica, P. Mascagni

    Solistes : Mitsuyo Segura (soprano), 
    Véronique Gervais (mezzo)
    Clavecin : Christian Riché
    Violon : Laure Juillard
    Violoncelle : Ruth Ehkirch
    Piano : Arnaud Tessier

    Direction : 
    Pierre-Emmanuel Clair

    (Un programme détaillé sera remis à l'accueil le soir du concert)

    L’Écho des Vagues, chɶur  du pays Fouesnantais, créé en 1980,  est dirigée depuis 2013 par Pierre-Emmanuel CLAIR. La chorale accueille une soixantaine de choristes qui travaillent un répertoire de chants sacrés et de choeurs d'opéra. Chaque année elle accueille avec plaisir de nouvelles voix, après audition (prendre contact : echodesvagues@gmail.com).

    Pierre-Emmanuel Clair est d'abord chanteur d'opéra, puis diplômé en direction de chœur auprès de Roland Hayrabédian au Conservatoire de Marseille. Titulaire d'un master  en musicologie sur la musique italienne et le chant, il a rejoint en 2012 le Finistère et offre sa grande expérience pour la direction de chorales, la formation vocale, l'organisation de spectacles. 

    Mitsuyo Segura-Hibi, est née au Japon et y a fait ses études musicales. Elle a ensuite suivi les cours de l’École Normale de Musique de Paris de 2007 à 2010. Elle a rejoint l’Écho des vagues en 2012 et enseigne à l'école de musique des Pays Glazik (Briec) et du Cap Sizun.

    Véronique Gervais, soliste mezzo, a rejoint le chɶur en 2013. Elle s'est formée au chant en stage "Orgue en Cornouaille", ainsi qu'auprès de P. Figaro, et maintenant auprès de P.E. Clair.

    Arnaud Tessier, après des études de piano, d'harmonie et de musique de chambre aux conservatoires de Nantes et de Rueil-Malmaison, enseigne le piano à l'EMDKB de Rostrenen. Il est concertiste et accompagne l'Echo des vagues depuis deux ans.

    Christian Riché a longtemps été le claveciniste de l’ensemble Matheus, et joue avec les différents ensembles baroques de la région. Il se produit avec Viva Voce depuis 2005.

    Ruth Ehkirch-Boranian, diplômée des conservatoires de Marseille, de Boulogne-Billancourt et de   Versailles, a commencé sa carrière dans différents orchestres dont l'Orchestre National de Lyon avant de se consacrer à l'enseignement. Professeur à Quimper de1980 à 2011, elle se produit dans plusieurs formations de musique de chambre (Quatuor opus 29, Ensemble baroque des Concerts d'Armor, Trio Lyris)

    Laure Juillard s’est formée au Conservatoire du Centre de Paris (musique de chambre et alto, Frédérique Lainé), a obtenu la médaille d’or du CRR de St-Maur des Fossés (2004), et a acquis en 2013 le diplôme d’Etat de professeur de violon. Après un début de carrière en région parisienne elle enseigne désormais au CRD de Brest et habite la région fouesnantaise.


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  • Pigouilli, pigouilla, pigouillons en chœur !

    Oui, je viens de le vérifier : le verbe « pigouiller »existe ! Lignorer ne m'empêchait pas de dormir, mais tout de même, cette pigouille me trottait dans la tête depuis trois semaines.
    J'ai fait connaissance avec cet humble outil sur les canaux du Marais Poitevin, à Coulon. Le batelier le manie en le poussant au fond pour faire avancer les barques qui promènent les touristes.





    Le nôtre, de batelier, pousse, remonte sa pigouille, puis recommence, depuis déjà une demi-heure. Aucun signe de fatigue. Il porte bien, pourtant, quelque sept décennies, et il n'a certainement pas fait que cela toute sa vie.
    Ils étaient trois ou quatre à lembarcadère, un groupe d'assez joyeux lurons qui profitent de la retraite en pigouillant  et en tenant le guichet à tour de rôle. Robert (appelons-le ainsi)  les a salués en partant, leur lançant une plaisanterie que nous navons pas comprise.
    Robert nous a déjà débité tout l'historique du Marais Poitevin, le pourquoi, le comment, nous voici bien informés et nous nous coucherons moins bêtes ce soir. Je ne vous en ferai d'ailleurs aucun résumé : je ne veux pas être taxé de concurrence déloyale !
    Le voyage doit durer, en principe, une heure. Restent environ vingt minutesRobert nous a fait le coup du méthane. Je n'ai pas pu lui prêter le briquet qu'il me demandait, car je ne fume pas. Il n'a, semble-t-il, plus grand-chose à nous dire, et la fin sannonce un peu pénible. D'abord, il fait froid, et de plus en plus humide. Bientôt une petite pluie vient, avec un petit vent, nous donner une seule envie, celle d'atterrir, au sens premier.

     Et surtout : Robert, le pauvre (?), nous raconte dans le détail, passant le long des champs, tous les potins du secteurIci, la propriétaire n'avait pas voulu céder une parcelle. Là, "ils" étaient en brouille depuis longtemps : les six passagers de la barque commencent à s'emmerder royalement !

    Ces histoires, petites histoires et historiettes, les cancans, bruits de couloir et de cour de ferme, ont fini de nous achever
    Vingt minutes de trop, hélas. Sinon, de beaux plans pour les photos, en compagnie de personnes sympathiques qui s'obligeaient, comme nous, à rire des blagues éculées du bonhomme, ou à ne rien répondre aux hautes réflexions affligeantes à propos des "crétins d'écolos".
    Mais sans la pluie, et sans notre ami Robert, finalement, une bonne matinée !

    Loïc
      
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  • Nous allons pouvoir reprendre nos publications dans notre thème "Vadrouilles", 
    puisque ... nous revenons d'une belle boucle en France !

    Ce tour dans le sud de la France (tout ce qui se trouve au sud de la Loire, pour les Bretons comme pour la météo) nous a menés en Marais poitevin, en Périgord, dans les Landes, les Pyrénées, le Quercy, le Charolais, l'Orléanais, le val de Loire, puis retour en Finistère ... Ouf ! 
    Oui, mais tout cela en un mois et demi, il ne faut pas pousser, tout de même !
    Alors, nous allons (en alternance avec des textes) vous proposer des photos et petits récits de ce voyage, si vous voulez bien.
    Nous commençons par Coulon, au centre du Marais poitevin : de superbes maisons ...

    et une "croisière" dans le marais, un lieu étonnant, hors du monde ...
    à suivre ...
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  • Bonjour à tout le monde
    J'ai une question : les blogs d'écriture sont tenus, dans une très large majorité, par des "filles", Comm on dit à la télé. J'en cherche en vain (sans sexisme !) des "de garçons", car je suis curieux de voir s'il y a des différences : choix des sujets, des thèmes, leur traitement ...
    Auriez-vous des pistes ? Merci !
    Loïc
    loic/point/roussain/arobase/orange/point/fr
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  • Marins, marines.

    Les marins et les ports : voilà le sujet, la « consigne » proposée aux écrivant(e)s de la communauté d'écriture « les croqueurs de mots », qui sera géré cet été par Enriqueta.
    Je ne peux pas rater ça : c'est l'occasion ou jamais de me lancer, de prendre en marche ce grand train d'écritures, ce convoi de personnalités très différentes, et pourtant très liées.
    Marins, ports ... ? "Fastoche", pour toi ! pourrait-on me dire. Voire ...

    Fastoche ? Il me serait en effet assez facile de ressasser l'ambiance des romans maritimes, ceux de Pierre Mac Orlan, les chants de marins, et de servir tout chauds des vieux clichés.
    Mais j'écris aujourd'hui depuis les bords de Loire, près d'Orléans : je viens d'y apprendre - moi qui ne connaissais que les "mariniers" - qu'il existe, ou existait deux marines, sur la Loire : le transport de marchandises, et celui de personnes, présentant de grandes différences dans les modes de travail et surtout dans les mentalités.
    À Brest, quatre "marines" (au moins !) : la Royale (Marine Nationale), celle du Portde (port de Commerce), celle des pontons (la plaisance) et enfin quelques pêcheurs.
    Je suis né en pleine période de reconstruction d'une ville totalement rasée par les bombardements américains et anglais de la fin de la guerre 39-45. Mes parents nous ont parlé, tout au long de notre jeunesse, de cette blessure qui les a littéralement traumatisés. Des quartiers disparus, le tram de l'époque, des noms de magasins, le Grand Pont tournant, me sont familiers, même si je ne les ai jamais connus, comme "Barbara", ou la Fanny de Laninon ...
    Il y avait souvent beaucoup de monde, le soir, à "l'Abri de la tempête", dans une rue perpendiculaire à la fameuse rue de Siam. La faune des matafs (marins d'État), qui arboraient leurs bachis au pompon rouge, donnait à l'enfant que j'étais l'impression d'une foule bruyante, animée, mais sympathique et - le plus souvent - joviale et conviviale.
    Je suis né juste au-dessus de ce bistro, chez moi, une nuit d'hiver. Je n'ai jamais su s'il pleuvait ce soir-là sur Brest, ni si la patrouille de la Police Maritime y avait fait une descente. Lorsqu'ils débarquaient, ceux-là, ça ne rigolait pas. Coups de matraques solidement appliqués, et au poste des punis, après un séjour dans la cellule de dégrisement ...
    Mon père ne mettait jamais les pieds dans ce bistro. Il n'aimait pas, et surtout, fallait pas mélanger : les matafs d'un côté, les ouvriers de l'Arsenal de l'autre, non mais ! Les ouvriers, pour leur part, étaient bien plus nombreux à être "casés", pères de famille ... Pas la même vie.
    Des cris, des bribes de conversations montaient parfois jusqu'à l'étage :
     "Indochine", puis "Algérie" ...

    2015. Le nombre d'ouvriers de l'Arsenal s'est réduit comme peau de chagrin. On ne reconnaît plus les matafs dans les rues, car ils sont en civil. La curiosité est attisée l'orque l'on croise un marin étranger en escale : le jeu consiste à reconnaître le pays à l'uniforme.
    Durant mon adolescence, et plus particulièrement en 1968, je ne voulais plus entendre parler des bateaux gris, car j'étais, comme beaucoup alors, pacifiste et antimilitariste. Dans le premier port militaire français, cela faisait un peu désordre ... !
    Mon amour (le mot n'est pas trop fort) allait au port de commerce. Les noms des navires, leurs pavillons, leurs équipages, que je rencontrais sur les quais, m'invitaient aux voyages, comme un Marius breton. Je restais de longs moments à tenter de deviner l'origine du bateau, sa cargaison, creusant ma mémoire des cours de géographie économique et humaine.
    J'ai depuis, bien sûr, rangé la Mobylette qui, à défaut des océans, me menait presque tous les jours au Portde.
    Les tas de charbon ont disparu, les petits bistros aussi. Une grande salle d'animations culturelles les a remplacés.
    Perte de l'âme d'une ville ? Nostalgie, quand tu nous tiens ... Qui a écrit "sans passé nous n'avons pas de présent" ?
    Ah, j'oubliais : "À l'abri de la tempête" est à présent une agence du "Crédit Patate", comme on dit à Brest.

    Loïc

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  • Tous les lanterneaux sont pourtant ouverts en grand, les "écoutilles" du tableau de bord soufflent tant qu'elles le peuvent un air chaud, tentant de nous refroidir ... Je saisis régulièrement ma bouteille d'eau, et engloutit goulûment ... Ma femme me pulvérise toutes les trois minutes sur la figure un jet d'eau qui me fait sursauter. Nous ne sommes vraiment pas habitués à cette chaleur lourde, accablante, qui nous anéantit.
    Notre prochain camping-car, c'est sûr, aura la clim', bon Dieu !
    Enfin - je commençais vraiment à perdre tout espoir - nous approchons du port de salut, voici l'aire de stationnement ! Sauvés ... Repos, douche : nous allons revivre ! Encore quelques efforts, car il nous faut bien garer "la bête". Dans le milieu des camping-caristes, cette chose porte beaucoup de noms plus ou moins heureux et appropriés, mais toujours très affectueux : BB (comme Boîte à bonheur), Baluchon (celui-là, je l'adore !) ...
    Bien conscients d'avoir accompli aujourd'hui un exploit inégalé, nous avons, en un seul jour, "fait" le col du Tourmalet ET le cirque de Gavarnie ! Nous sommes cuits, à jeter, à ramasser à la petite cuiller, des lavasses.
    Mais il ne faut jamais désespérer, et tout vient à point pour qui sait attendre : comme par miracle (ou plutôt grâce à Annie) devant moi, près du véhicule, sous l'auvent, nous attendent près des transatlantiques les petits gâteaux, les fruits givrés, le jus de fruit et l'apéritif. Nous communions alors, dans une extase qui nous envahit, à la joie indicible de l'Etape, orteils en éventail, un sourire béat en est le signe muet. Nous sommes au Ciel (y a-t'il un paradis des camping-caristes ?), ivres de plaisir et de fatigue. Devant nos yeux mi-clos défilent les merveilleux paysages de la journée ...
    Ah mais ... Avant, il me reste à mettre en place les cales qui vont donner à notre bivouac ambulant une horizontalité bienvenue.

    Ça y est, nous sommes prêts pour un repos réparateur, avant la prochaine étape. Certains pourront (oseront) prétendre que nous ne sommes pas à plaindre, mais ils auront tort, qu'ils se le tiennent pour dit.
    Bien allongé dans mon transat, les yeux perdus dans le vague, je laisse mon regard vagabonder ...
    Les cales, sous les deux roues à l'arrière, changent lentement de couleur. De jaune franc, elles se colorent à présent en un bleu ciel transparent. Leur pointe est un des innombrables sommets que nous avons pu admirer, des nimbes les couvrent puis s'estompent ...
    La route de montagne est de plus en plus raide, les lacets se succèdent, interminablement, lancinants, mais je suis sous un charme inconnu, hypnotisé. Je monte vers le ciel, je ne m'arrêterai jamais. Les virages, les ravins, le vide à ma gauche, me paralysent et me transcendent tout à la fois.
    Plusieurs fois j'ai dû m'arrêter, en sueur, pour laisser passer des vaches ou des moutons en liberté dans les alpages, mais cette fois-ci ce sont ... des lamas qui nous barrent le passage, guidés par le capitaine Archibald Haddock, qui arbore un large sourire assez inquiétant, car il ne présage rien de bon. Je ne lui connaissais pas cet air sadique, moi ... Tout à coup, de gros nuages forment un brouillard épais qui ne m'autorise qu'une visibilité de quelques mètres.
    Une femme se tient près de moi : la fée Clochette. Elle m'a gentiment proposé de remplir la fonction de co-pilote. Comment refuser, bien sûr ? Si avenante, si aimable, si ... Mais j'arrête de divaguer, quand elle me crie soudain :
    "Mais fais un peu attention à ce que tu fais ! J'en étais certaine, ce n'est pas la bonne route, nous voici perdus en pleine montagne, espèce d'idiot !"
    "Je t'assure, Clochette, que ..." balbutié-je. Mais je me ravise : "Mais ne crois pas que je sois ignare au point de nous conduire n'importe où, j'ai bien préparé notre itinéraire. Et puis tu commences à m'agacer sérieusement, toi !
    Clochette sent bien que cela ne va pas tarder à tourner au vinaigre : elle saisit alors, tel une baguette magique, le levier de vitesse, et l'agite en tous sens, proférant des formules cabalistiques que la bienséance ne me permet pas de répéter ici.
    En un éclair, le brouillard se dissipe, un beau soleil apparaît en même temps qu'un merveilleux sourire sur le visage radieux de la fée.

    Tout a repris son cours normal, et je roule de nouveau l'esprit libre, sur une route bien dégagée. Les platanes rythment l'allure du camping-car, dans l'alternance de leurs ombres et du scintillement des espaces. Je dépasse souvent des cyclistes, seuls ou en groupes, qui m'adressent des saluts amicaux lorsqu'ils ont aperçu nos deux vélos, accrochés bien sagement sur leur porte-vélo.
    Je devise gaiement, abordant tous les sujets, et surtout en riant bien des plaisanteries que nous nous renvoyons. Nous les connaissons presque toutes, mais c'est tellement bon de les réentendre : "c'est encore meilleur réchauffé !"
    Une casquette se présente, à ma gauche. "Tiens, une casquette", est ma seule réaction, d'une stupidité affligeante. Puis je réagis, freine, accélère, donne un coup de volant, le camping-car frôle le bas-côté. Une casquette, ce pourrait être celle d'un coureur ... S'ils en portaient encore ! Mais ce n'est plus le cas, et ici ... Il s'agit de celle du Kid. Oui, le kid, le gosse, de Charlie Chaplin, pédale à toute allure sur mon vélo (je le reconnais, c'est le mien, la sonnette est bleue, celle d'Annie est rose). Je ne sais ce qui me prend : j'ouvre ma vitre, et le traite de voleur, sans me demander comment ce vélo ... Mais le kid, bien sûr, ne comprend pas le français, et file devant, poursuivi par un trop mignon chien westie habillé en policeman qui souffle à perdre haleine dans un sifflet asthmatique.
    Le Hollandais, lui, je le connais : C'est lui, celui qui suit sur le vélo d'Annie, qui a sympathisé sur le dernier camping, et qui a poussé la gentillesse jusque m'enseigner la fabrication du gouda. C'est lui, le Hollandais volant, qui décolle devant moi, pour faire le malin, avant de s'écraser sur la voûte d'un tunnel que je me suis bien gardé de lui signaler : Bien fait.

    Bon, pas grave, me voici débarrassé des gêneurs. Je peux laisser Nexxo exprimer toute sa puissance, comme un cheval bridé qu'on libère. "Nexxo" ?  Ah, oui, c'est le nom officiel de ce véhicule, de la famille des Bürstner, vous avez bien connu ces gens-là.
    Ne rigolons plus. Le turbo est lancé. Un ronflement de plus en plus violent envahit l'espace, gagne toute la vallée. L'antenne de TV, d'ordinaire si docile dans son logement du toit, en sort, hystérique, se tordant, twistant comme mon père quand il est gai, et elle commence à tourner, virevolter, accélère ... Nexxo décolle ! Un éclair gigantesque zèbre le ciel, le sol tremble sous ses sabots et sous mon volant, un énorme hennissement à rendre sourd jaillit, les jambes du cheval se raidissent, la crinière se dresse et fume : Mais il jouit, l'animal !
    L'orgasme était trop puissant, le cœur n'a pas tenu. Mort instantanée. Le camping-car, désemparé tel un paquebot dans la tempête, sombre vers le fond du Cirque de Gavarnie ...
    "Non mais ! Tu ne veux pas arrêter un peu de faire le clown ?"
    La Belle au bois dormant (ou Annie ?) se rendort, allongée sur le lit du camping-car. Je n'avais pas remarqué qu'elle y montait, lorsque je me suis allongé sur mon transat.
    Elle ronfle, ronfle. Elle aussi.
    Elle a les traits de la fée Clochette.

    Loïc
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  • Un vent léger caresse les hauteurs de la dune. Les oyats, plantés il y a quelques années par les élèves des écoles, s’agitent au bord du sentier de promenade qui invite les passants à jouir du spectacle de la mer sans détruire cette dune si fragile. On a enseigné aux enfants le respect de l’Océan, pour eux-mêmes, leurs enfants et les enfants de leurs enfants. « La Terre ne nous appartient pas, elle appartient à nos enfants » …
    Elle s’est redressée lentement, s’est appuyée sur un coude. Elle a remis en place le coin de sa serviette de plage, soulevé par un petit coup de vent. Assise, elle redécouvre le livre commencé, puis posé sur le sable et oublié.<o:p></o:p>
    Christelle sourit : « Ce n’était sans doute pas intéressant, je n’y ai pas accroché ! » Elle se tourne sur l’autre flanc, offrant au soleil, resplendissant en ce milieu d’après-midi, son côté droit. Elle apprécie grandement ce moment privilégié d’une « petite bronzette ». Elle a la chance – on le lui répète tant – de vivre au bord de la mer : Elle se donne le droit de le mériter, et d’en profiter, à fond.<o:p></o:p>
    Encore un coup de vent… « Je n’aurais pas dû faire un shampooing juste avant de venir ici. Mes cheveux sont trop fins, ils volent dans tous les sens ; bonjour, la corvée de démêlage, ce soir ! »<o:p></o:p>
    Mais non, ce n’est pas le vent. Kevin, quatre ans, a entrepris (« je veux faire tout seul ! ») la construction d’un château de sable, comme il a vu faire les grands. Il y a renoncé après quelques minutes, car il faut que cela soit plus facile, et surtout que ça aille plus vite !<o:p></o:p>
    Il interpelle sa maman : « Hé, tu m’aides, je veux faire une piste ». Une piste, c’est cette route que l’on trace dans le sable à l’aide d’un bâton trouvé dans les laisses de mer. Sur ce circuit feront bientôt la course les petites voitures qui attendent dans le sac de plage de Christelle.<o:p></o:p>
    « Attends un peu, chéri, maman se repose… » De fait, elle cligne des yeux, dodeline de la tête.<o:p></o:p>
    « Je n’aurais pas dû, ce troisième verre de vin, à midi. Avec mes cachets, ça ne me va pas ». Un homme qui passerait là ne manquerait pas de porter son regard sur cette jeune femme au corps d’une plastique très agréable, mise en valeur par un joli maillot deux-pièces assez sexy. Mais le visage de Christelle exprime, lui, une immense lassitude, une fatigue très ancienne, certainement. Et surtout, ce regard perdu, vide, un regard de vieille, souffreteuse et désabusée.<o:p></o:p>
    -         « Oui, quoi, encore ?<o:p></o:p>
    -         C’est le sable, maman, il ne veut pas tenir, il n’est pas assez mouillé ! <o:p></o:p>
    -         Laisse-moi, Kevin, tu commences à m’agacer. »<o:p></o:p>
    Christelle réagit alors avec résignation, se secoue, se lève et participe, avec la plus grande patience possible, à la construction de la piste de son petit garçon. Lui, promu au grade d’entrepreneur en chef, ne se prive pas de donner des ordres, des contre-ordres. Puis il se met à pousser des petits cris aigus d’insatisfaction, tape des pieds, car cela ne va pas comme il veut. Enfin, voici les pleurs …<o:p></o:p>
    Christelle reste sans réaction. Elle n’entend plus. Quelque chose l’a poussée à ne plus rien entendre, elle s’est recouchée sur le dos.<o:p></o:p>
    Des mots, des plaintes, puis des petits rires lui parviennent, de très loin. Kevin a pris le parti de jouer tout seul. Il en a l’habitude. Sa maman est souvent comme ça. Et comme il n’a ni frère ni sœur…<o:p></o:p>
    Elle a fixé longuement les nuages, qui passaient lentement, se déchiraient, se reformaient, parfois menaçants, puis cédaient aux avances du soleil.<o:p></o:p>
    Un cumulus lui adresse un clin d’œil : « Tu te souviens, petite Christelle, de ces énormes châteaux de sable que tu bâtissais avec tes deux grands frères, sur cette plage ? Tu te souviens de tes virées à vélo, quand tu pédalais vers ton petit paradis ? » <o:p></o:p>
    Christelle soupire. Tendres soupirs, émus à l’évocation de sa jeunesse si simple et si heureuse ; mais soupirs de nostalgie, et de regrets, aussi.<o:p></o:p>
    Tout, finalement, s’est passé ici. Elle déroule le résumé de sa brève existence : Son enfance sans histoire, ses études au collège, à cinq kilomètres, puis au lycée, à seulement vingt kilomètres. Elle n’a jamais quitté son « pays ». Erreur ? Aurait-elle dû ? Lui aurait-elle fallu s’éloigner, quitter son nid, pour poursuivre en Fac sa formation en Littérature française, qu’elle adorait ?<o:p></o:p>
    C’est ici qu’elle s’est fixée (un petit sourire éclaire son visage : « comme une bernique sur son rocher ! ») <o:p></o:p>
    C’est ici, aussi, qu’elle l’a rencontré le « beau gosse », comme elle disait dans de grands éclats de rire… Sylvain n’avait eu aucune peine à la séduire : Elle avait succombé au coup de foudre, dès le premier regard ! Jeune, comme elle, athlétique, beau tout simplement, et tellement drôle, blagueur, et si tendre …<o:p></o:p>
    Elle a obtenu son Bac, assez facilement, mais sans s’y attendre, et, curieusement, sans en éprouver de plaisir particulier. Etait-il possible que ce fût normal qu’elle réussisse ? Elle avait culpabilisé devant son orgueil, puis cela s’était estompé…<o:p></o:p>
    La vie avec Sylvain avait été un rêve … durant six mois. Elle avait été, très rapidement, enceinte de Kevin. Plus question de Fac ! ni pour elle, ni surtout pour Sylvain, qui dévoilait son tempérament machiste et autoritaire. Cette attitude ne tarda pas à se manifester de façon régulière, de plus en plus pesante.<o:p></o:p>
    Christelle commença à se sentir, de jour en jour, totalement seule. <o:p></o:p>
    Seule devant sa caisse de supermarché, poste qu’elle abandonna vite à cause de ses « trop nombreux arrêts-maladie ».<o:p></o:p>
    Seule, face à l’éducation de Kevin ; « C’est l’affaire des femmes, ça ! » déclarait Sylvain, avec lequel les disputes étaient désormais très fréquentes.<o:p></o:p>
    Seule avec ses regrets… « Si je ne m’étais pas mariée… professeur de français, oui, j’en étais capable… J’étais trop jeune pour être mère… Ma jeunesse, gâchée… Et ce Kevin… si encore… » Frisson.<o:p></o:p>
    Seule avec ses rancoeurs… « Beau gosse ? » Joli cœur, oui ! Egoïste, infidèle (elle en était persuadée) il passait tous « ses » loisirs devant les matchs de foot, bière à la main, au bar-tabac-PMU d’à côté… « Comme un vieux Dupont-La-Joie ! » lui avait-elle lancé un soir.<o:p></o:p>
    Christelle, les yeux fixes, regarde le ciel. Elle voudrait l’interroger, mais ne sait comment formuler ses questions. En a-t-elle, seulement, des questions ?<o:p></o:p>
    Elle caresse doucement son sac de plage. Elle sait bien qu’elle y range ses médicaments, qu’il lui suffirait de…<o:p></o:p>
    « Merde, non ! Il ne faut pas ! Et Kevin, alors ? Je ne suis vraiment qu’une merde, c’est moi, la merde ! »<o:p></o:p>
    Etre seule, seule enfin… sans Sylvain, sans lui…<o:p></o:p>
    « Madame, madame ? Christelle sursaute. Le MNS porte devant elle son enfant. Elle sort péniblement de sa torpeur.<o:p></o:p>
    « Il a échappé à votre surveillance, nous l’avons rattrapé alors qu’il était déjà en grande difficulté dans le courant. Vous savez bien, Madame, qu’il y a beaucoup de courant, ici, et des grosses vagues ! »<o:p></o:p>
    Si elle le sait bien …<o:p></o:p>
    Christelle ne sait plus où elle est. Elle bondit, court vers la mer, laissant Kevin dans les bras du MNS. Elle revient, l’air hagard, tourne dans tous les sens comme une toupie. Elle serre son ventre entre ses mains, comme atteinte de violentes douleurs, puis fait de grands moulinets avec les bras, secoue la tête, s’arrache les cheveux…<o:p></o:p>
    « Surveillance, surveillance, surveillanceu ! » chante-t-elle. « La mer, la mèreu, en surveillanceu !... »<o:p></o:p>
    « Venez, Madame. Nous allons appeler un médecin »<o:p></o:p>
    « Un médecin ? Mais … cet enfant va très bien, non ? »<o:p></o:p>
    « Un médecin… pour vous, Madame … »<o:p></o:p>


    Loïc<o:p></o:p>
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  • " Toujours dans mes pieds, ce chien ... Sale bête ! Je les déteste tous, mais celui-là ... Puis, c'est son chien, c'est elle qui l'a choisi, c'est lui, et lui seul qu'elle bichonne. Et ce nom ... Bichon, c'est d'un ridicule ! "
    " Oh, pardon, Madame ! Il a bousculé, pris dans ses pensées, une dame avec une canne.

    Il ronchonne, Mr Momiteux, les lèvres agitées d'un curieux tic. Il ronchonne, parce qu'il est comme ça, toujours, disent-ils. Un cabas immense à la main, il tente de suivre les pas de Berthe (née Bernache), sa femme, et de la sœur cadette de celle-ci, Amélie. C'est lundi, jour de marché sur la place de la petite cité balnéaire où ce petit monde s'est retiré depuis que Félix a pris sa retraite de fonctionnaire. Un homme bien noté, respectueux de ses collègues et de son travail, même si, manifestement, il n'appréciait pas les uns, et n'aimait guère l'autre. Il a regretté qu'on lui attribue ce jugement à l'emporte-pièce sur sa personne, car il ne voulait pas passer pour un misanthrope : Il les aime, les hommes, mais il n'a jamais eu la chance d'en rencontrer un qui soit à sa convenance !

    Il ronchonne, donc, en ce moment encore embrumé. Un filet délicat, translucide, coule lentement de ses narines sur sa petite moustache fine. Félix sort à plusieurs reprises un grand mouchoir à carreaux de sa poche, le manipule avec difficulté, car il doit en même temps porter son sac. Il essaie d'être discret, mais son effort est gâché par le bruit de trompette ...
    Berthe ("ma légitime", dit Mr Momiteux) et sa sœur peuvent presser le pas lorsque les gens ne sont pas trop nombreux, et, guillerettes, papotent devant les étals, commentent les menus événements de la semaine passée, et bien sûr les rumeurs et ragots les plus récents.
    Félix n'entend rien de leur conversation, d'ailleurs il n'écoute pas. Il est le porteur, c'est là son seul rôle. Ce que peut dire sa femme ne l'intéresse pas. De son côté, elle le traite - injure suprême - d'"intello". Il faut dire qu'il arbore des petites lunettes rondes, posées sur son petit nez pointu : Alors, vous pensez donc ... Le couple possède une vieille 4L Renault verte, un des rares bonheurs de Félix. Il la conduit tous les lundis de l'année. Ici, il est le chauffeur. "Conduire ? C'est la seule chose qu'il sache faire !" claironne Berthe.

    On ne peut associer l'image de ce couple qu'à celle du duo formé par la cantatrice Bianca Castafiore et son pianiste Wagner. Berthe est le modèle typique de la "grosse bourgeoise". Elle est issue, contrairement à son mari, d'une grande famille de la préfecture, toute proche. Comme Bianca, elle porte haut, fière et hautaine, avec en surplus, une allure assez vulgaire de bonne vivante, bien en chair comme il se doit, et expose des bajoues très disgracieuses sur un visage fermé, au regard franchement antipathique.

    Tout l'être de Félix semble porter les fardeaux universels. Il atteint, lorsqu'il se tient bien droit, à peine un mètre soixante. Mais il est rare qu'il ait l'occasion de se redresser comme il est de bon ton, que ce soit au marché ou dans la vie. Il n'offre, en permanence, qu'un regard fuyant de chien battu.

    Le bichon, d'ailleurs, devant lui, commence vraiment à l'agacer. Berthe, il en est certain, jubile en faisant trottiner sa bestiole devant les pieds de son mari.
    Bichon ... Ô combien il préfèrerait, en l'instant, bichonner, chouchouter sa chère 4L, dans son garage, antre où Berthe ne pénètrera jamais ! L'auto (les anciennes, à réparer, restaurer, soigner) est sa passion. Il lit, aussi, beaucoup, et se plonge parfois dans l'écriture. Oui, il aime se fixer ce défi, cette confrontation face aux difficultés de la langue et envers lui-même. Il la pratique seulement ... lorsque les exigences de Berthe lui en donnent le loisir, hélas. Il écrit dès qu'il est seul. Convulsivement, il s'acharne, se délecte. Il assouvit ce défoulement en tous lieux. Tout son corps, son visage surtout, se métamorphosent alors. La magie de la concentration et de l'évasion lui ouvre grand les yeux, perdus dans le vague lointain, sa bouche s'écarte en un imperceptible et délicat sourire quasiment mystique. Évidemment, il camoufle précieusement ses textes dans des cachettes insondables, comme les outils indicibles d'un plaisir solitaire.

    La foule des clients est maintenant plus dense. Berthe et Amélie se sont arrêtées devant les fruits et légumes. Elles tâtent, sous le regard courroucé du maraîcher, soupèsent, reniflent ...

    Soudain, Félix entend les bribes à peine audibles d'une phrase prononcée par Berthe. A t-il bien entendu ? Il ne va pas lui demander de répéter, certainement pas ! Il jette simplement un coup d'œil rapide et discret sur son veston, étriqué sur son petit ventre rond. Car, malgré sa petite taille, il est replet, bien dodu, bien nourri - cela, il ne peut le nier - par Berthe ou, plus fréquemment, par les plats mitonnés par sa belle-sœur Amélie, cordon bleu notoire, qui les invite régulièrement à dîner, pour rompre sa solitude.

    Elles paraissent de très bonne humeur, sourient en bavardant, des éclats de rire sonnent même dans les allées. Félix est convaincu qu'elles viennent de se retourner, pour s'intéresser à lui. "Une fois n'est pas coutume" ...

    Il s'approche pour les rejoindre, serrant les poings. Il va demander des
    explications, ce qu'elles sous-entendent. Une irritation, non ressentie depuis longtemps, le gagne.  Les yeux fixés vers sa femme, il se fraie un chemin, bouscule sans s'excuser quelques vieilles femmes outrées.
    Berthe n'en croit pas ses yeux, lui jette un regard assassin, chargé de mépris, de condescendance provocatrice.

    Amélie a compris, car elle connaît bien son beau-frère. Il ne sort jamais de ses gonds, mais ...
    Il faut agir, vite : bien plus fine psychologue que sa sœur, elle lui propose, avant qu'il ne tente de donner un bon coup de pied dans le derrière de Bichon, de se rendre à la quincaillerie voisine pour en observer la vitrine. Félix est exceptionnellement heureux, il peut comparer les divers objets qui lui permettraient de mieux encore soigner et briquer son bijou Après quelques minutes, il parle avec Amélie de ce refoulement très ancien, de ses "freins", de son « manque-à-vivre », de son corset insupportable :  Il accorde à la sœur de son épouse la confiance qu'il ne peut partager avec personne d'autre. Amélie a toujours éprouvé à son égard une grande tendresse (pour le moins), elle l'écoute, se tait, hoche la tête, souvent, pour lui signifier toute sa compréhension. Elle est dotée d'une forme d'intelligence semblable à celle de Félix, mais elle l'exploite, elle, d'une façon extravertie, ouverte, épanouie.
    Félix est apaisé. Il se calme, revient accompagné d'Amélie (il lui prendrait volontiers le bras !) Berthe les fusille du regard : « Qu'est-ce que c'est ? Vous me faites perdre mon temps, avec vos âneries ! »

    Désormais, Félix, qui garde le sentiment davoir été berné une première fois, surveille les propos de sa femme. Elle reprend avec les commerçants ses sous-entendus, ses petits gloussements, ses clins d'œil. Ceux-ci semblent acquiescer, sans comprendre, mais sourient pour faire bonne figure et pour conserver la clientèle.

    Félix n'en peut plus : il est à présent très tendu, au bord de la crise de nerfs. Amélie vient de nouveau à son secours : « Allons, calme toi. Nous approchons de midi, nous irons tout à lheure déguster un petit apéritif au café du commerce, si tu veux bien »
    Un apéritif ? Deux ou trois par an, habituellement ! Alors, pourquoi pas ? Mais tout à coup, un réflexe très désagréable : Il va demander à sa femme si ...

    Berthe les a oubliés depuis un moment, et vaque, selon son habitude immuable, à ses emplettes. Elle papote, de temps à autre, avec des connaissances. Que peuvent-elles bien avoir à se dire de si intéressant ?
    Félix se passe la main dans les cheveux, rentre le ventre, triture les boutons de son veston Il sent qu'il rougit, qu'il commence à transpirer.

    C'est l'explosion. Tous les clients ou les commerçants qui prennent la parole, ou qui ont l'audace de sourire, deviennent pour Félix des ennemis, qui commettent une attaque personnelle à son intimité, sa dignité, et à l'honneur de Monsieur Félix Momiteux. Il n'en peut plus, tremble de tous ses membres, flageole, les yeux injectés de sang. Un sourire fou, menaçant, inquiétant, le défigure. Il bondit, tente de saisir une cliente au collet, finit même par grimper sur un étalage, brandit le poing en direction de sa femme. Un tréteau cède, les planches s'écroulent, une dizaine de fromages jonchent le sol ...
    Félix ne se reconnaît plus, il est littéralement hors de lui. Toutes les misères du monde lui sont de nouveau tombées sur les épaules mais cette fois-ci il se débat, se rebiffe, se révolte, sans contrôle. Il se décharge, utilise toute une énergie insoupçonnée et incroyable.
    Il repousse Amélie tout en sexcusant auprès d'elle, la seule personne respectable à présent, sur le marché.

    Berthe s'est éclipsée. Elle a fait appel au placier qui, à son tour a appelé à la rescousse le policier municipal. C'est le moment des explications, Félix a commencé à se calmer à la vue de la Loi.

    « C'est ma femme. Je n'en peux plus. Je ne suis plus rien pour elle, je ne suis plus quun poids, un boulet. Mais je dois reconnaître que c'est réciproque »
    Elle m'a ridiculisé, injurié, en public. Elle a déclaré à sa sœur, en me fixant :
    «Les plus gros sont moins forts, et surtout plus tendres ! » Vous parlez d'une tendresse ! Mon sang n'a fait qu'un tour et, depuis le temps que cela n'allait plus, ce fut l'étincelle qui a mis le feu aux poudres »

    Berthe est en larmes. Amélie pose tendrement une main sur l'épaule de son beau-frère :
    « Écoute, Félix. Tout à l'heure, ni Berthe ni moi ne te voulions du mal, tu sais. Elle a simplement évoqué des plus gros et des plus tendres en parlant des radis… ! Remets-toi, je t'en prie, je souffre de te voir dans cet état. » Elle lui dépose alors un baiser sur le dos de la main.
    Mais Félix continue, la voix hachée :
    « Je me suis vidé, je me suis métamorphosé, aujourd'hui. Je ne suis plus résigné, j'ai résisté. Je ressens un immense bonheur, une plénitude inexplicable : Je suis moi. »

    Loïc
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  • Au retour du lac, Pierre a exprimé, dès son retour à la maison, son grand désir de voir toute sa famille rassemblée. Il est bien conscient d'avoir pris un sacré coup lors de cette aventure. Il ressent un besoin irrépressible de rompre le non-dit.

    « Mon père Julien se confiait beaucoup à moi. Mes frères et sœurs ne lui en semblaient pas dignes, je n'ai jamais pu savoir pourquoi… ou alors, simplement parce que j’étais l’aîné ? j’aime à imaginer d’autres raisons …

    Alors, voilà : Julien, du temps où il était marinier, s’amarrait habituellement chez Mathieu l’éclusier, oui. Mais, trois ou quatre ans avant le début de la construction du barrage, il s'arrêtait aussi – de plus en plus souvent – à l'écluse de Trégnanton, en aval. Il y rencontrait une douce Marie… »

    Marie était la fille de cet éclusier. Mais l’homme était aussi – c'était chose courante – ardoisier, et de plus, propriétaire de plusieurs hectares de terres, confiées à des fermiers. Il vivait donc bien confortablement, et envisageait d'un très mauvais œil la préparation d’éventuelles noces entre sa chère Marie et ce  « coureur de jupon » (Des rumeurs circulaient dans la vallée, qui répandaient, à tort, ce surnom). 


    Pierre continue :

              « Un soir, mon père m'a appelé. Au bout de pénibles efforts il m'a confié : Il avait dérobé cette boîte en cuivre dans la gabarre d'un copain. Il l’avait garnie d'une bague, qu’il offrirait à Marie, à l'occasion des fiançailles qu'il espérait tant … »

    Epilogue.

    Louis a bien observé la boîte. Elle est bien sale, mais il parvient, avec peine, à l'ouvrir : Elle est vide.

    Et Fridu tourne en rond, éperdument ...

    FIN

                                                                                               
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  • "Tout n’allait pas si bien, hélas," continua Pierre. Assez rapidement, le visage de Julien reprenait son expression de grande fatigue, de renoncement, de remords, de désespoir. 
    Et cela se passait, curieusement, surtout lorsqu'il venait de terminer une de ses navigations autour du lac, alors que le Gwen ha Du passait juste à l’aplomb des écluses englouties ... »

    A-t-il entendu le nom de ce bateau ? Fridu tremble. Il gémit, tire sur sa laisse …


    Tous approchent  maintenant de l'écluse, puis de la maison. La boue colle aux bottes, mais après plusieurs jours d'assec, c'est praticable. Une grande émotion les envahit soudain, et leur coupe le souffle.


    Des bruits curieux de terre remuée : Fridu gratte, creuse, enragé, insensé, frénétique. Pierre n’y tient plus, devient fébrile. Sa canne ne le supporte plus, il n'en a plus besoin d’ailleurs, il l’a oubliée.

    Il passe derrière la maison, dans l'ancien appentis. Louis doit l'empêcher de s'écrouler, lui tape les joues pour éviter l'évanouissement : Près de Fridu apparaît une petite boîte en cuivre, en bon état, ornée d'une ancre de marine ...


     à suivre ...
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  • Pierre a repris la tête de la marche. Cette fois il marche d’un pas bien plus assuré, comme si ses déclarations l’avaient libéré, lui donnant des ailes. Louis et son fils le suivent, impressionnés, s’interrogent, se regardent souvent, sans trouver que dire. Ce trajet semble interminable. D'un sentier de forêt, ils atteignent progressivement le bord de ce qui est « normalement » un lac. Plus aucune trace de vie, si ce n'est un amoncellement de détritus de toutes sortes répandus sur le fond, jetés par des passants indélicats.

    Un embarcadère, près de la passerelle du départ du ski nautique. Pierre reprend la parole, tous s’arrêtent de nouveau, se figent.

    « En 1930, la mise en eau était terminée, Julien n'avait plus aucun espoir de garder son travail, d’autant que le canal allait être incessamment fermé à la circulation. Il trouva bien par intermittence des travaux en louant ses services comme journalier, errant de ferme en ferme. Cela ne dura qu'un temps, car cette situation lui était insupportable.

    Mon père repéra alors l'embarcadère : Un ancien langoustier, le Sans-Gène, avait, avant la fermeture du canal, été racheté, remis en état et conduit de Croix-de-Vie, en Vendée, jusqu'à Brest. On l’avait rebaptisé le Gwen ha Du, et dirigé avec des précautions infinies jusque Guerlédan. Il remplirait dès lors les fonctions de ‘’bateau de tourisme’’, faisant à longueur de journée, en été, le tour du lac… Julien y trouva un emploi de matelot-mécanicien, qui lui convenait bien mieux. 
    Je me souviens bien : Il semblait avoir débusqué un vrai travail, il s'y investissait. On le voyait même … sourire, assez souvent !"

    à suivre ...
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  • Et Pierre parle, lentement, pesant chacun de ses mots, d'une voix monocorde ; Louis et Pierrick sont hypnotisés, subjugués par son récit. Fridu, lui, en a assez de cette immobilité forcée. Il s'agite à nouveau, court comme un fou sur cinquante mètres, revient en haletant, repart en aboyant … Rien n'y fait, ni les ordres ni les caresses.

    « Je n'y comprends rien, il se passe certainement quelque chose » s’inquiète Louis. Pierrick, va donc le promener, cela devrait le calmer ».

    Pendant toute la durée de cette interruption, Pierre est resté immobile, statufié comme le paysage, et muet, les yeux mi-clos. Il revit de toute évidence des événements important et douloureux. Puis il s'adresse à son fils :

    « Ton grand-père Julien parlait souvent à la famille d'une façon bizarre : Il affirmait se trouver au centre d'un combat, de luttes, de persécutions. Il exprimait des regrets, des rancoeurs, tout cela de manière diffuse, imprécise, sans parvenir à poser des mots sur ses maux. Son métier, ses combats, ses échecs ? Il était, disait-il, accablé de remords… des remords, pourquoi … ? Personne n'avait jamais eu la moindre réponse. »

    La voix de Pierre s’était peu à peu affaiblie, devenant presque inaudible. Son visage était empreint d’une immense tristesse. Il semblait être un enfant perdu, tout son être souffrait d’une détresse profonde.

    Mais Pierrick revient, il a réussi à calmer Fridu et il s'assoit près des deux hommes.

    Alors Pierre, s’efforçant de ne rien laisser paraître, se lève avec peine, et ordonne, d’un ton n’admettant aucune réplique :

    « Nous allons descendre à l'écluse ! »

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