• Un anniversaire important, cette année, (en particulier ?) pour les baby-boomers.

    Notre association "La Liberté de l'Esprit" organise une conférence-débat à Quimper sur le thème :
    Mai 68 : la France, 50 ans après 
    avec Ludivine Bantigny, historienne 
    le mercredi 7 mars 2018 à 19h00 dans l'amphithéâtre de l’hôtel Mercure, 21 bis avenue de la gare - Quimper
    En préambule, 1968 à Quimper par Gilles Carrière.

     
     


    Entretien   

    Capture du 2018-02-27 10/02/44.png  Propos recueillis par Michel Abescat / Publié le 20/02/2018

    Ludivine Bantigny : “Rien n’est plus collectif que Mai 68”      http://www.lalibertedelesprit.org

    Non, Mai 68 n’est pas qu’un mouvement étudiant parisien. Dans toute la France, ouvriers, agriculteurs, commerçants, artisans, et même chauffeurs de taxi et danseurs s’y sont mis. Et bien avant le mois de mai. C’est ce que l’historienne Ludivine Bantigny rétablit brillamment dans son livre, qui bouscule les idées reçues. Rencontre avec l’auteure de “1968. De grands soirs en petits matins”. 

    Sur la couverture, on ne voit ni Daniel Cohn-Bendit, ni Alain Geismar, aucun leader du Quartier latin, mais des ouvrières de l’usine de fabrication de pièces électriques Paris-Rhône, à Lyon, pendant les grèves de mai 1968. Un parti pris à l’image de ce livre singulier que vient de publier, aux éditions du Seuil, l’historienne Ludivine Bantigny, maîtresse de conférences à l’université de Rouen.

    Fruit d’un long travail de recherche dans les archives, notamment des Renseignements généraux et de préfectures réparties sur l’ensemble de l’Hexagone, son livre, 1968. De grands soirs en petits matins, est formidablement vivant, donne à voir et à entendre l’événement au plus près de ses protagonistes, de leurs espoirs et de leurs émotions. Emouvant, vibrant, il bouscule nombre d’idées reçues et rétablit la vérité de faits trop souvent déformés et instrumentalisés.

     

    On parle communément des « événements » de Mai 68, comme on parlait des « événements » d’Algérie. Que signifie ce terme ?

    Dans une première acception, il s’agit d’un euphémisme destiné à contourner d’autres formulations plus tranchantes et plus claires : dans le cas de l’Algérie, éviter le mot « guerre » et à propos de 68, celui de « grève générale ». En ce sens, le terme « événement » doit être utilisé avec précaution.

    Mais on peut aussi se le réapproprier et lui donner son sens premier, celui de surgissement dans le temps de quelque chose d’inédit et d’ouvert. L’événement, pour l’historien, doit être étudié en tant que tel, dans sa nouveauté, dans son déroulement, en se gardant de tous les discours sur ses causes et ses conséquences supposées qui n’ont cessé de le défigurer.

    “Les premières barricades n’ont pas été érigées sur le boulevard Saint-Michel, mais à Caen, à Quimper ou à Redon”

    On a beaucoup dit, par exemple, que Mai 68 était d’abord un mouvement juvénile et étudiant. Qu’en est-il en fait ?

    Si l’on a autant insisté, surtout à partir des années 80, sur le rôle des étudiants, c’était justement pour contourner l’événement, éviter de parler de la grève générale, des occupations d’usines, des dix millions de personnes qui ont arrêté de travailler. On ne peut certes pas nier la dimension juvénile de l’étincelle à l’origine des grèves. Dans de nombreuses entreprises, ce sont surtout de jeunes ouvrières et ouvriers qui ont lancé la dynamique, mais celle-ci a été reprise ensuite par l’ensemble des générations.

    Les grèves ne commencent d’ailleurs pas en mai, ni même en mars. L’année 1967 est émaillée de conflits importants, à Besançon, par exemple, à l’usine Rhodiacéta. Au début de l’année 1968, entre le 23 janvier et le 13 février, mille à mille cinq cents ouvrières et ouvriers mènent à Caen une grève totale qui touche trois usines importantes, la Saviem, Jaeger et la Sonormel. Ces entreprises ont été délocalisées hors de la région parisienne dans la perspective de payer la main-d’œuvre moins cher. Les jeunes se révoltent en premier, ils se mettent en grève, affrontent les CRS.

    Le lien est fait avec les étudiants, mais aussi avec les agriculteurs qui se mobilisent, dans l’Ouest, depuis de nombreux mois. D’une certaine manière, on peut dire que les premières barricades ne sont pas érigées sur le boulevard Saint-Michel, mais à Caen, à Quimper ou à Redon. Et que l’on assiste dès l’origine à un grand brassage social. Si l’on s’en tient à la chronologie habituelle des affrontements à Paris, les archives policières montrent que dès le 3 mai de nombreux jeunes ouvriers sont venus prêter main-forte aux étudiants.

    On le mesure à l’aune des interpellations réalisées ce jour-là, qui comptent des ouvriers, du tourneur au tôlier, des employés, de la SNCF aux PTT, des techniciens, des commerçants, des artisans. Il convient donc de relativiser l’idée que les étudiants auraient été seuls avant d’être rejoints par les ouvriers à partir du 13 mai.

    Et relativiser l’idée que les événements de 68 sont essentiellement parisiens…

    Certainement ! Comment pourraient-ils être seulement parisiens quand dix millions de personnes se sont mises en grève ? Partout il se passe quelque chose, les archives que j’ai dépouillées le montrent à l’envi. Les rapports des préfets et des Renseignements généraux, à Guéret, à Tulle, à Epinal, disent leur étonnement devant l’ampleur du mouvement.

    Dans la Meuse, les RG sont surpris par le nombre des arrêts de travail dans un département d’ordinaire « calme voire passif ». Dans les Vosges, de toutes petites entreprises textiles, qui ne comptent que dix ou quinze salariés, se mettent en grève. Dans l’une d’entre elles, si proches encore des fabriques du XIXe siècle, le patron fournit à ses employés le tissu pour confectionner la banderole de la manifestation.

    “Les pouvoirs publics craignaient par-dessus tout la convergence entre le mouvement étudiant et la grève ouvrière, très difficile à maîtriser”

    Qu’en est-il des relations entre ouvriers et étudiants ? Elles n’ont pas été toujours faciles…

    Les contempteurs de 68 insistent évidemment sur le clivage entre étudiants et ouvriers, le rejet des premiers par les seconds. Au moment des événements, les pouvoirs publics craignaient par-dessus tout la convergence entre le mouvement étudiant et la grève ouvrière, très difficile à maîtriser. Mais cette vision d’un clivage est caricaturale. Certes, le 17 mai, les grilles de Renault Billancourt se sont fermées devant un cortège de trois mille étudiants partis du Quartier latin.

    L’épisode a été maintes fois raconté, en oubliant toutefois de rappeler les tensions au sein même de la CGT, dont les militants n’étaient pas tous d’accord, en oubliant que des étudiants de l’Ecole normale supérieure entretenaient des contacts dans l’usine et s’y trouvaient déjà. Et surtout en oubliant toutes les discussions nouées partout en France, les barricades construites ensemble, les étudiants présents sur les piquets de grève, les ouvriers présents dans les universités occupées. En somme, l’arbre de Billancourt ne doit pas cacher la forêt d’initiatives, de réunions et de solidarités entre étudiants et travailleurs.

    68, selon ses contempteurs, serait également l’acte de baptême de l’individualisme contemporain. Qu’en pensez-vous ?

    Cette idée me fait bondir ! Elle est fausse, c’est un contresens historique profond, parce que rien n’est plus collectif que ce mouvement, rien n’est plus collectif que les aspirations portées par toutes ces assemblées, ces comités de grève, de quartiers, d’actions. Rien à voir avec ce qu’on entend par individualisme : le repli sur soi, l’égoïsme, le narcissisme.

    1968, c’est tout le contraire, c’est l’expression d’une solidarité très active. S’il est question de l’individu, c’est pour revendiquer son épanouissement, son émancipation des carcans professionnels et sociaux : « Des hommes, pas des robots », comme disaient, dès 1967, les grévistes de Rhodiacéta.

    “Hormis chez les situationnistes libertaires, la question sexuelle est restée marginale”

    Le slogan « Jouissons sans entraves » a marqué les esprits…

    Comme d’autres : le slogan « Plus je fais la révolution, plus j’ai envie de faire l’amour » est par exemple à l’origine du cliché qui réduit 68 à une lutte pour la permissivité qui aurait finalement conduit au néolibéralisme. Mais ce ne sont que quelques phrases jetées sur les murs. Hormis chez les situationnistes libertaires, la question sexuelle est restée marginale, en 68, elle n’est que rarement posée comme un enjeu politique. Il y a encore beaucoup de pudeur et de retenue sur cette question.

    Dire que 68 a fait le lit de l’individualisme et du néolibéralisme, c’est évidemment une manière de dénigrer un mouvement qui fait peur. La possibilité d’une nouvelle explosion sociale, d’un temps suspendu où les gens ne travaillent plus et tentent de réfléchir à leur vie, à la manière de la changer pour la rendre meilleure, inquiète certains.

    La trajectoire de quelques figures très médiatisées, qui ont effectivement évolué vers des positions clairement libérales, a également beaucoup contribué à renforcer ce cliché. Mais le parcours de Daniel Cohn-Bendit, dont la place à été éminente à l’époque, lui appartient. Il ne justifie pas qu’on en fasse le blason des évolutions supposées de toutes celles et tous ceux qui ont participé à l’événement.

    De quoi le mouvement de 68 était-il alors précisément porteur ?

    Je me refuse à opposer, comme on l’a fait, les revendications matérielles, qui auraient été soutenues par la CGT, aux perspectives plus directement politiques ou éthiques, voire existentielles portées par d’autres, en particulier la CFDT. Parce que dans ce clivage entre des perspectives somme toute intimement liées se niche une forme de condescendance vis-à-vis des premières : l’augmentation des salaires, la diminution du temps de travail ou l’âge de la retraite.

    C’est à partir de ces revendications, qui traduisent une situation sociale difficile – les conditions de travail sont souvent rudes dans les usines –, que naissent les réflexions sur l’épanouissement de la personne humaine. Et cette idée de changer la vie, qui constitue l’axe central du mouvement de 1968. Il s’organise ainsi à partir de réformes très ordinaires jusqu’à ouvrir des perspectives révolutionnaires. En 68, le mot « révolution » est partout, il suscite autant d’espoirs que de craintes, les acceptions du terme varient en fonction de ceux qui le prononcent, mais elles traduisent toutes la volonté d’un changement.

    “Certains catholiques se demandaient comment la société était devenue à ce point attachée à la valeur de l’argent et du profit”

    Par exemple ?

    Dans les lycées, on réfléchit à la pédagogie, aux conditions de la transmission du savoir, dans les entreprises, on se demande si on a vraiment besoin des contremaîtres et parfois même des patrons, puisque la question de l’autogestion est posée. Des chauffeurs de taxi en grève s’interrogent sur la place de la voiture, sur la pollution des villes. Les danseuses et les danseurs de l’Opéra de Paris se demandent comment il pourraient intervenir dans la cité pour améliorer le rapport de chacun à son corps, à l’harmonie, à sa présence sensible au monde. 

    Certains catholiques interrogent la hiérarchie ecclésiastique, la place des fidèles dans l’Eglise, se demandent comment la société est devenue à ce point attachée à la valeur de l’argent et du profit. D’une manière générale, il s’agit de se sentir en prise avec le monde et d’y conquérir une autonomie qui n’a rien à voir avec l’individualisme.

    Vous accordez une place singulière à la lecture des émotions éprouvées en 68. Pourquoi ?

    Parce que toute pratique politique est tissée d’affects : on s’engage aussi pour des raisons affectives, par indignation, par colère, par compassion. J’ai ainsi voulu montrer la complexité de cette expérience sensible du politique. Et d’abord la joie. La joie de vivre quelque chose de très fort, de se parler, de se retrouver, de sortir du quotidien, d’avoir prise sur l’histoire en cours. Mais cette joie peut être altérée par d’autres émotions.

    La peur en particulier, dans des formes très diverses, celle de ne pas être à la hauteur de l’événement, de prendre la parole, des conséquences de la grève, en particulier pour ceux qui tiennent les cordons de la bourse dans les familles. La peur de la guerre civile aussi, dans une société qui sort de plusieurs conflits : les RG notent ainsi que certains commencent à stocker des aliments, pâtes, huile ou sucre. La peur du rouge, du communisme, la peur du totalitarisme que de Gaulle agite dans ses discours. La peur des affrontements physiques dans les manifestations.

    “Les femmes étaient présentes en grand nombre, et agissantes”

    Mai 68 a-t-il été un moment moteur dans l’émancipation des femmes ?

    Quand on pense à 68, on a immédiatement en tête le visage et le nom d’un certain nombre de ses leaders, mais aucune femme n’en fait partie. Les femmes pourtant étaient présentes en grand nombre, et agissantes. A La Roche-sur-Yon, à l’usine Big-Chief, qui fabrique des jeans, le personnel est essentiellement féminin. Les ouvrières occupent les lieux, dressent des tentes dans la cour, organisent des sit-in. A l’époque, ce n’était pas évident de s’asseoir ainsi dans l’espace public.

    Mais, même dans les entreprises où elles sont majoritaires, elles sont représentées par des syndicalistes hommes, elles ne participent pas aux négociations, elles prennent peu la parole. On dirait aujourd’hui qu’elles ont, pour la plupart, intériorisé les contraintes de genre, les normes et les rôles sociaux traditionnellement attribués à la féminité et à la masculinité. Les événements de 68 ont, malgré cela, servi de déclencheur, ils ont été le moment d’une prise de conscience qui va, dans les mois qui suivent, travailler la société, infuser peu à peu et donner lieu, pour partie, à la seconde vague du féminisme dans les années 70.

    Comment, au bout du compte, faire le bilan de 68 ?

    C’est une question extrêmement difficile. Dès la fin de l’événement se dessine une querelle d’interprétation. La CGT crie victoire après les accords de Grenelle, qui se traduisent notamment par une hausse des salaires et la reconnaissance de la section syndicale dans l’entreprise.« Reprise victorieuse du travail dans l’unité », titre L’Humanité le 6 juin bien que de nombreuses grèves se poursuivent encore.

    Alors que la CFDT, la gauche révolutionnaire, le PSU déplorent la faiblesse des résultats obtenus au regard de l’ampleur du mouvement qui vient d’avoir lieu : rien sur la durée du travail, les retraites, et toutes les questions qui ont été soulevées sur la démocratie dans les entreprises. Puis viendront les élections législatives des 23 et 30 juin. S’il ne s’agit pas du raz-de-marée gaulliste souvent évoqué, le camp du pouvoir remporte une imposante victoire. A cet égard, l’échec de la stratégie du parti communiste fondée sur les élections et l’union de la gauche est patent. Mais pour autant, peut-on considérer aujourd’hui que mai 68 fut un échec ?

    J’ai un peu botté en touche, à la fin du livre, en citant Marx, qui disait que la réussite de la Commune était d’avoir existé… Mais ce n’est pas seulement une manière de se défausser. Les événements de 68 ont ouvert d’autres avenirs possibles, permis de renouer avec l’espoir, avec l’idée que l’on pouvait à un moment s’arrêter, pour réfléchir, prendre la parole, reprendre confiance et se sentir légitime.

    « Tout est politique », disait un slogan de 68. Oui, nous sommes légitimes à nous emparer du politique, à parler de la cité, du commun, de ce qu’on nomme aujourd’hui le vivre-ensemble. Cette vision passionnante du politique est un héritage de 68.


    A lire

    1968. De grands soirs en petits matins, de Ludivine Bantigny, éd. du Seuil, 460 p., 25 €.

     

    Ludivine Bantigny sera présente à la fête du livre de Bron qui se déroulera du mercredi 7  au dimanche 11 mars. Elle participera, le dimanche à 11 heures, à une rencontre intitulée « 68, année politique », avec Tariq Ali et Jean-Christophe Bailly. Rencontre animée par Michel Abescat. Programme complet : www.fetedulivredebron.com

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  • Vie de clown…

    Ludivine, dans son fauteuil –elle y passe une bonne partie de chaque journée– fixe le plafond, le regard vide, ou plutôt empli d'une tristesse résignée, qui semble coller à son visage à jamais. Sa maman Paola, régulièrement, remonte le mécanisme du tourniquet musical reçu en cadeau lors de son second anniversaire. Une vague réaction, imperceptible.

    Elle aura sept ans ce soir. On ne sait même plus si elle-même le sait… mais maman a prévu : son sketch, le matériel, la petite chanson. Elle sait faire, maman. Elle a exercé  en école maternelle, avant de se résoudre à rester s'occuper de son élève désormais unique.

    Elle va faire comme d'habitude. De toute façon, tout changement passe totalement inaperçu. Les mots, les gestes, les gags, seront des repères, rassurants. Mais le gâteau trône tout de même aujourd'hui, avec ses sept bougies. Pour le reste elle se fie à son instinct. Et puis, elle fait partie du Q.I., le groupe de théâtre « Quimper–improvisation »: ça aide !

    Elles ont commencé leurs jeux convenus. Les yeux de Ludivine suivent lentement les gestes précis de Paola.

    Soudain : la sonnerie tonitruante à la porte d'entrée. Tout se bouscule. Les yeux de l'enfant s’écarquillent, comme Paola ne les a jamais vus. Un clown, oui, un vrai, en costume, en grands pieds, en  nez rouge, en visage tout peinturluré, est entré. Il a tout compris, tout de suite, car les clowns c'est magique, ça comprend tout, pas comme les grandes personnes. Il a surtout compris son erreur d'adresse, mais il rattrapera le coup plus tard.

    C'était un clown professionnel, de l'association « le clown médecin». Je ne dirai pas ce qu'il a fait, ce qu'ils ont fait, Paola et lui. Mais c'était magique, surnaturel.

    Depuis, Paola a repris goût à la vie, la sienne et celle de Ludivine.

    L'enfant, elle, n’effacera pas de ses lèvres son merveilleux sourire, et n’éteindra pas les étoiles dans ses yeux…

     

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  • Je n'aurais pas aimé être …

    Je n'aurais pas aimé être Président de la République. Pourquoi ? Vous tenez vraiment à le savoir ? C'est évident, pourtant. Je n'aurais pas aimé être un stewart, parce que j'aurais préféré, tant qu'à faire, être commandant de bord. Et puis, quitte à voir du pays, autant sortir de l'aéroport, non ? Je n'aurais pas aimé être prêtre, parce que je n'aime pas être en désaccord avec moi-même, et parce que je serais toujours perdant. Je n'aurais pas aimé être Landru : j'ai peur du feu. Je n'aurais pas aimé être un fantôme, parce que houuuu, houuuu …. Je n'aurais pas aimé être un ange, parce qu'il est trop difficile de jouer à contre-emploi. Je n'aurais pas aimé être un homme-grenouille, car question identité il faut que les choses soient claires. Je n'aurais pas aimé être le premier à sauter de la Tour Eiffel, parce que je n'apprécie les farces ni les surprises. Je n'aurais pas aimé être un réverbère dans une rue fréquentée par beaucoup trop de chiens. Je n'aurais pas aimé être en panne en plein désert sans connaître un mot d'anglais. Je n'aurais pas aimé être une femme. Pourquoi ? Vous tenez vraiment à le savoir ? C'est évident, pourtant. Je n'aurais pas aimé être celui qui n'aurait jamais rien aimé.

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  • Le Pont National, ouvert en 1898, détruit en 1944.

    Un modeste tramway relie les deux rives de la Penfeld, au -dessus de l'Arsenal.

    Transports à Brest

    En 1917, "Tout ne va pas très bien", et "Brest-la Rouge" gronde. Des luttes souvent menées,

    comme à Douarnenez, par les femmes : Egalité des salaires hommes/femmes ... (Tiens, tiens)

    Le tramway disparaîtra pendant la guerre, un autre a pris sa place, controversé, souvent en panne.

    Au début des années cinquante apparaissent les trolleybus, bus électriques

    qui captent leur énergie par des trolleys, câbles suspendus. Les "bâtons" déraillaient de temps en temps, et il fallait attendre que le conducteur descende (sous la pluie ...) pour les remettre en place.

    Beau spectacle pour les enfants dont j'étais !

    Je me souviens de cette femme (que nous appelions « Mme Moustache », allez donc savoir pourquoi) qui trônait dans le trolleybus, pour poinçonner nos tickets. Assise à l’avant, près du chauffeur, elle tournait sa petite manivelle toute la journée, marquant nos petits cartons. Elle parlait souvent, comme nombre de personnes à cette période, mi-français mi-breton, et interpellait régulièrement les passagers : « Bon, poussez-vous, malez Doué ! Tout le monde a son ticket dans le derrière ? » 

     

    Transports à Brest

     

    Transports à Brest

    J'ai parfois la nostalgie d'une époque que je n'ai pas connue ... 

    Transports à Brest

     

     

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  • Tourmente

    après l'observation d'un tableau de Patrice Koutchevsky : « Orage »

    Je ne m'ennuie jamais. Les contraintes quotidiennes de l'existence ne me le permettent pas, et il conviendrait, sans nul doute, que je les remercie pour cela. Une course irrésistible, effrénée, m'entraîne à la remorque de mes idées noires, dont je ne serai jamais le maître. Mais … le noir est-il vraiment ma couleur, mon choix de vie ?

    En fait, je m'y complais, me blottis, me love. Je m'y suis bâti un havre, abri ambigü mi-palais mi-piège, je jouis et souffre de cette attirance malsaine. Morbide, ainsi va ma vie, mélancolique, pesante.

    Je me berce du bleu de mer, glissant avec lui entre mes sentiments. L'océan les exacerbera et les conduira à se provoquer, à se confronter, à s'autodétruire.

    Seul un col, entre les monts changeants de mon cafard, peut encore m'inciter à me poser dans une halte salutaire. Il participerait à l'instant de survie, je donnerais le coup de pied au fond de ma chute, pour ressurgir à la vie.

    Mais le noir sera vainqueur. La vie, ma vie, aura changé. L'ennui, plus terrible encore, va gagner du terrain, tout immerger.

    Loïc

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  •  

    Poésie autour d'un lieu

    A boire et à manger dans la capitale

    à boire surtout pour les touristes

    années 50

    ne rien oublier

    un guide évite les questions

    souvent car il connaît et craint

    les vieux démons

    et les relents de l'époque maudite

    Buda et Pest se font face

    et sourient jaune tout le temps

    malgré le temps

    malgré ceux qui passent

    malgré ceux qui sont passés

    malgré ce qui s'est passé

    Pest industrieuse ruche

    banques et affaires

    bruits des villes

    crissements de pneus

    cris des hommes essoufflés haletants

    je travaille moi

    serions-nous à Paris

    touristes pressés sur le Pont aux Chaînes

    incontournable, indispensable, merveilleux anachronisme

    cloches des tramways

    sonnettes timides et aigrelettes des vélos

    vélos-taxis, vélos-pizzas

    tiens l'Europe est arrivée ici

    une rue le rappelle

    dédiée à la fripe aux surplus

    rue américaine

    où toutes les enseignes

    ont oublié le hongrois

    trop à voir trop à sentir

    odeur maître-mot du ressenti

    paprika soupe à toute heure

    j'ai passé le pont

    Buda sur sa colline

    surveille les arrivants

    il faut mériter la visite

    curieuse ville

    elle oublie souvent le Danube

    qui prête plus volontiers

    ses berges à Pest

    elles se jalousent

    petites maisons pimpantes

    les sourires sont plus fréquents

    n'appellent pas au commerce

    détente ville verte

    descendre comme de Montmartre à Notre-Dame

    soudain voici le plus ancien métro du Monde

    a clamé la voix rocailleuse du guide francophone

    labyrinthe éblouissant de bois verni

    décor suranné nous sommes chez Jules Verne

    sièges de velours rouge

    comme à l'hôtel oui

    mais tout est gâché

    par le vacarme je dois

    me boucher les oreilles

    tout résonne se répercute rebondit

    dans un magma sonore insupportable

    prochain arrêt descendre vite s'échapper

    sur la grande place

    les restes de l'ère soviétique

    sont rassemblés

    statues de l'ouvrier qui marche

    vers son bonheur

    ses enfants marchent à ses pieds

    le fixent fébrilement tel un Dieu

    un mur est gardé par deux soldats

    il est criblé de balles du temps de la révolte

    le guide au sourire figé intemporel dérange

    fin de la visite

    un grand immeuble « la maison de l'horreur »

    elle a été tour à tour

    repaire des Rouges des Noirs

    extrêmes trucs extrêmes machins

    trois jeunes adolescentes dehors

    sourient en scrutant

    leurs portables je les quitte

    et laisse derrière moi

    leurs rires de cristal

    de l'espoir-inconscience.

    Loïc

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  • Oh ! le joli dessin, Marius ! et si ressemblant ! Dis donc, tu adores dessiner, toi. C'est une ramette de feuilles que le père Noël aurait dû t'apporter.

    Oui, Papou. mais je ne sais pas bien faire, car chaque fois papa me dit qu'il faut que je fasse des dessins plus grands : "Si je veux les afficher sur le mur de ta chambre, ceux-là sont trop rikikis. Regarde, le papou, là : On dirait un bébé !

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    • "Dis donc, Yannick, tu pousses un peu, là, non ? Le chalut est plein, et tu restes là, à rêver ...
    • Oui, s'cuse, patron, mais je réfléchis ...
    • Réfléchir ? à quoi ? On n'est pas là pour ça !
    • Tu sais que je me marie dans un mois : je fais dans ma tête la liste des invités.
    • Ah ouais, pas facile, ça ...
    • Non : inviter celui-ci, ou ne pas l'inviter ... Celle-ci, mais pas celle-là ... un vrai casse-tête. Et puis, ça fait des dépenses, tout ça, mine de rien ...
    • Oh, que oui, surtout pour toi ! Il paraît que tu as des oursins, pas dans le filet, mais dans tes poches !
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  • Dans l'atelier des Poudreurs d'escampette : On nous a distribué deux mots, à associer sans les nommer bien sûr ... à vous de les deviner !

    En couleurs et en musique.

    La pulpe des doigts du musicien frémit ou se durcit, selon les diverses sollicitations. Le groupe de musique traditionnelle bretonne vient de franchir un carrefour interdit exceptionnellement à la circulation. Le feu n'a plus aucun rôle et on peut ignorer superbement la couleur indécise qui clignote entre rouge et vert … Le ciel et la Terre rayonnent, arborant un azur bleu comme cet agrume cher à Paul Eluard.

    Un sac, avachi ou bien gonflé, à la peau de cuir tendu. Un tuyau (le sutel) dans lequel souffle sans trêve notre musicien. Un autre tuyau, vers l'arrière, repose sur l'épaule, et émet sans arrêt un son grave, continue, sur la même note, lancinante comme un bourdon. C'est d'ailleurs le nom qu'on lui donne. Et enfin : le musicien promène ses doigts sur une sorte de flûte (le levriad).

     Le bagad avance, au pas de la musique qui se fait parfois très aiguë, stridente, d'une puissance inouie. Mais comment font-ils les hommes de tête, pour supporter ? Ah mais oui : Ils ont des bouchons d'oreille, bien sûr ! Notre homme a chaud, très chaud. Ces fêtes folkloriques se déroulent évidemment en plein été, saison des touristes. D'ailleurs une grande banderole sur le trottoir vante les vertus de la boisson qui secoue.
    Après tout… Ils sont assez nombreux, les copains : Il peut se permettre un petit arrêt, une récréation ! Il saisit (« gratuit pour les musiciens et les danseurs ») une canette fraîche de jus de cet agrume si désaltérant et revigorant …
    Le soleil tape dur sur les crânes pourtant bien abrités sous les grands chapeaux à guides. Et il se prend à rêver tout en marchant : Le sac de son instrument est rempli de ce jus délicieux qui descend dans son tube, lorsqu'il appuie voluptueusement sur son sac ...

     

    Atelier Ecriture Poudreurs d'escampette

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  • En 1954, la recette des crêpes, par Raymond Oliver. Elles sont "relevées", bien sûr. Mais en Pretaillgne on aurait blutôt utilililisé du zidre et du lambig. Hips.

    Bon. Après la page culinaire, voici la page culturelle :

     

    Quelques éléments pour commencer... La Chandeleur est une fête religieuse qui célèbre la présentation de l'enfant Jésus au Temple et se fête 40 jours après Noël. Elle tire son nom du mot latin "candela", signifiant "chandelle".

     

    Au temps des Romains, le 2 février était une fête en l'honneur du dieu Pan (dieu de la Nature). Toute la nuit durant, les croyants défilaient dans les rues, flambeaux à la main. Son nom? "festa candelarum", soit "fête des chandelles"...

    Par la suite, la christianisation du peuple Gallo-Romain commença dès la fin de l'Empire Romain au Vème siècle. Cela passa notamment par la réappropriation de fêtes païennes telles que Noël pour en faire des célébrations chrétiennes. C'est donc dans ce contexte religieux qu'en 472, le pape Gélase Ier décida de christianiser cette fête qui commémora alors la présentation de l'enfant Jésus Christ au Temple. Garder ses chandelles allumées et les porter à l'Eglise en cette sainte journée assurait de bonnes récoltes aux paysans l'année à venir.

     

    Oui, mais pourquoi mange-t-on des crêpes?

    Comme de nombreuses traditions, la fête de la Chandeleur est accompagnée de ses superstitions: si les paysans ne faisaient pas de crêpes à la Chandeleur, le blé serait mauvais l'année suivante ("Si point ne veut de blé charbonneux, Mange des crêpes à la Chandeleur"). Faire des crêpes oui, mais pas n'importe comment! Pour être assuré que la récolte sera bonne et la famille prospère, il convenait de faire sauter la première crêpe de la main droite en tenant un Louis d'or dans la main gauche. La crêpe était ensuite déposée sur l'armoire de la chambre, la pièce d'or placée à l'intérieur, jusqu'à l'année suivante. A la Chandeleur suivante, on récupérait le tout et l'on donnait la pièce au premier pauvre que l'on rencontrait.

    Il existe une deuxième hypothèse concernant la tradition des crêpes. Il semblerait que pour remercier les pélerins qui se rendaient jusqu'à Rome pour y déposer leur cierge, le pape leur distribuait des crêpes...

     

    Aujourd'hui, les processions ont disparu, mais les crêpes restent de la partie!

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