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Poésie autour d'un lieu
A boire et à manger dans la capitale
à boire surtout pour les touristes
années 50
ne rien oublier
un guide évite les questions
souvent car il connaît et craint
les vieux démons
et les relents de l'époque maudite
Buda et Pest se font face
et sourient jaune tout le temps
malgré le temps
malgré ceux qui passent
malgré ceux qui sont passés
malgré ce qui s'est passé
Pest industrieuse ruche
banques et affaires
bruits des villes
crissements de pneus
cris des hommes essoufflés haletants
je travaille moi
serions-nous à Paris
touristes pressés sur le Pont aux Chaînes
incontournable, indispensable, merveilleux anachronisme
cloches des tramways
sonnettes timides et aigrelettes des vélos
vélos-taxis, vélos-pizzas
tiens l'Europe est arrivée ici
une rue le rappelle
dédiée à la fripe aux surplus
rue américaine
où toutes les enseignes
ont oublié le hongrois
trop à voir trop à sentir
odeur maître-mot du ressenti
paprika soupe à toute heure
j'ai passé le pont
Buda sur sa colline
surveille les arrivants
il faut mériter la visite
curieuse ville
elle oublie souvent le Danube
qui prête plus volontiers
ses berges à Pest
elles se jalousent
petites maisons pimpantes
les sourires sont plus fréquents
n'appellent pas au commerce
détente ville verte
descendre comme de Montmartre à Notre-Dame
soudain voici le plus ancien métro du Monde
a clamé la voix rocailleuse du guide francophone
labyrinthe éblouissant de bois verni
décor suranné nous sommes chez Jules Verne
sièges de velours rouge
comme à l'hôtel oui
mais tout est gâché
par le vacarme je dois
me boucher les oreilles
tout résonne se répercute rebondit
dans un magma sonore insupportable
prochain arrêt descendre vite s'échapper
sur la grande place
les restes de l'ère soviétique
sont rassemblés
statues de l'ouvrier qui marche
vers son bonheur
ses enfants marchent à ses pieds
le fixent fébrilement tel un Dieu
un mur est gardé par deux soldats
il est criblé de balles du temps de la révolte
le guide au sourire figé intemporel dérange
fin de la visite
un grand immeuble « la maison de l'horreur »
elle a été tour à tour
repaire des Rouges des Noirs
extrêmes trucs extrêmes machins
trois jeunes adolescentes dehors
sourient en scrutant
leurs portables je les quitte
et laisse derrière moi
leurs rires de cristal
de l'espoir-inconscience.
Loïc
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Commentaires
Je ne suis jamais allée là-bas... mais tu m'en donnes envie. Je ne sais pas si mes impressions seraient les mêmes mais j'aime beaucoup la façon dont tu t'y promènes.
Passe une douce journée.
Merci Quichottine. Annie et moi aimons beaucoup visiter les villes, et particulièrement les grandes villes, souvent les capitales. Budapest est un lieu où l'on ressent le fort sentiment d'une âme ...
Une ville lourdement tourmentée par l'histoire, que ton poème à la Prévert avec ce ton désabusé et un peu amer, nous fait découvrir de façon originale. Tu nous en donnes toutes les vibrations et le tempo particulier et toute la poésie.
Une ville Janus, à deux noms, à deux faces. Ecartelée. Comme tant d'humains, dans cette Europe à l'histoire si âpre.
Anges et démons se pressent ensemble "à la fenêtre d'Occident".
Une ville à deux faces, à plusieurs facettes, qui porte l'héritage d'une histoire loin d'être un Danube tranquille, que revisite ta poésie sur un ton aussi enthousiaste que désabusé. Une ville qui ne me parle pas encore, mais qui évidemment est sur ma liste des futures capitales à découvrir (j'adore les villes, les visiter, les sentir, les ressentir, et plus elles sont grandes, plus ça m'attire !).
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Dimanche 11 Février 2018 à 18:28
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Espoir inconscient ça me parle, ça fait écho enfin pas trop fort parce que le cristal, c'est fragile.