Pigouilli, pigouilla, pigouillons en chœur !
Oui, je viens de le vérifier : le verbe « pigouiller »existe ! L’ignorer ne m'empêchait pas de dormir, mais tout de même, cette pigouille me trottait dans la tête depuis trois semaines.
J'ai fait connaissance avec cet humble outil sur les canaux du Marais Poitevin, à Coulon. Le batelier le manie en le poussant au fond pour faire avancer les barques qui promènent les touristes.
Le nôtre, de batelier, pousse, remonte sa pigouille, puis recommence, depuis déjà une demi-heure. Aucun signe de fatigue. Il porte bien, pourtant, quelque sept décennies, et il n'a certainement pas fait que cela toute sa vie.
Ils étaient trois ou quatre à l’embarcadère, un groupe d'assez joyeux lurons qui profitent de la retraite en pigouillant et en tenant le guichet à tour de rôle. Robert (appelons-le ainsi) les a salués en partant, leur lançant une plaisanterie que nous n’avons pas comprise.
Robert nous a déjà débité tout l'historique du Marais Poitevin, le pourquoi, le comment, nous voici bien informés et nous nous coucherons moins bêtes ce soir. Je ne vous en ferai d'ailleurs aucun résumé : je ne veux pas être taxé de concurrence déloyale !
Le voyage doit durer, en principe, une heure. Restent environ vingt minutes… Robert nous a fait le coup du méthane. Je n'ai pas pu lui prêter le briquet qu'il me demandait, car je ne fume pas. Il n'a, semble-t-il, plus grand-chose à nous dire, et la fin s’annonce un peu pénible. D'abord, il fait froid, et de plus en plus humide. Bientôt une petite pluie vient, avec un petit vent, nous donner une seule envie, celle d'atterrir, au sens premier.
Et surtout : Robert, le pauvre (?), nous raconte dans le détail, passant le long des champs, tous les potins du secteur… Ici, la propriétaire n'avait pas voulu céder une parcelle. Là, "ils" étaient en brouille depuis longtemps : les six passagers de la barque commencent à s'emmerder royalement !
Ces histoires, petites histoires et historiettes, les cancans, bruits de couloir et de cour de ferme, ont fini de nous achever…
Vingt minutes de trop, hélas. Sinon, de beaux plans pour les photos, en compagnie de personnes sympathiques qui s'obligeaient, comme nous, à rire des blagues éculées du bonhomme, ou à ne rien répondre aux hautes réflexions affligeantes à propos des "crétins d'écolos".
Mais sans la pluie, et sans notre ami Robert, finalement, une bonne matinée !
Loïc