Le spectacle de cette vallée asséchée est extraordinaire, étrange, indicible, indescriptible. Un seul mot : une vision lunaire. Une immense gangue de boue séchée (qu'il faudra, durant les travaux, désenvaser en partie ; des camions s’y sont déjà mis) garde des vestiges de vie : pans de maisons, de cabanes, arbres pétrifiés, comme les troncs que l'on enfonçait jadis dans l’amont de la Penfeld, à Brest, pour les durcir et en faire des mâts, à l'époque de la marine à voile… Etrange, plus qu’inquiétant, le panorama d'un monde irréel, extraterrestre, peuplé de fantômes, de légende et de korrigans qui, c'est certain, grimpent de temps à autre sur les berges, pour les hanter …Louis et son petit-fils Pierrick marchent derrière l’aïeul, sans jamais chercher à le dépasser. Ils veillent à ne pas frapper malencontreusement la canne, par le choc d’un pied qui voudrait accélérer, et le déséquilibrerait : Honte, injure, sacrilège ! « Regardez ! s’écrie Pierrick : La maison, et l’écluse de Beau Rivage, à côté ! On dirait qu’elle laisse encore passer de l’eau ! » |
Merci à mon frère Jean-François pour cette photo |
Louis, alors, lui apprend que « l’eau qui coule, c’est normal », car le cours d’origine de la rivière Blavet a repris, provisoirement, et naturellement, ses droits. Elle s’écoulera ainsi durant toute la durée des travaux : Six mois, sur le barrage et les versants de la vallée. Pierrick - est-ce à cause de son âge ?– n'est pas resté longtemps impressionné, et entreprend d'expliquer à son père et à son grand-père, assis pour faire une pause sur un tronc couché, ce qu'il a appris au cours de l'année dans son CM2 : les écluses, les vannes, les biefs, puis s’aperçoit assez rapidement que ses deux aînés… connaissent tout cela par cœur ! Leurs mimiques amusées le lui signifient bien, même si son grand-père semble préoccupé, la tête ailleurs et le regard fixé sur l’écluse, là, en bas …