Dialogue entre deux chanteurs.
– Oh, tais-toi toi donc, Edith ! Les gens n'apprécient en toi que tes goualantes et ta voix qui impressionne !
– Qu'est-ce qui te prend, eh toi, l'abbé Brel ? Tu t'étonnes d'avoir du mal à percer : Tes petites chansons bien-pensantes, ça ne casse pas trois pattes à un canard ! Toi, c'est ton physique qui attire. Oui, ton physique, ton visage taillé à la hache, et tes longs bras, interminables, qui cherchent l'infini…
– Tu verras, la Piaf, que mes bras seront bientôt assez longs pour faire le tour du monde. Nous avons au moins cela en commun : nous adorons les voyages !
– Constates-tu aussi, Jacques, que le monde est uniforme et que l'Homme (ou la Femme) est partout rongé par les mêmes questionnements, et habité par les mêmes joies, les mêmes espoirs ?
- Tu sais, Edith, les gens comme nous sont différents. Je ne dis pas meilleurs, ou plus doués, ou plus intelligents. Comme des millions d'autres, ils font de la chanson qui a quelque chose à dire. Le talent consiste à pouvoir le dire, et surtout à avoir les outils pour le dire. Je pense que ta quête perpétuelle de l'Amour, avec un grand A, est finalement le masque d'un malaise bien profond, que les humains ont bien des difficultés à exprimer.
– Ce serait donc ça va, mes hésitations, mes départs, mes retours, mes plongées dans l'abîme, mes ongles accrochés à la scène ?
– Sans doute, Edith. J'ai lu un jour : « Les chants les plus désespérés sont les chants les plus beaux »…
– J'ose, Jacques : Penses-tu que nous sommes des comédiens et que nous promenons partout nos masques ? Crois-tu que nous pourrions un jour mourir sur scène ?
... Ici, une indication scénique :
Il baisse les bras, tourne les talons et disparaît, tête basse.
Loïc
Amicalement
Claude