• Orage, de Patrice Koutchevsky.

    Je contemple ce tableau, et j'y associe une histoire.

    "Orage" - publié avec l'autorisation du peintre.

    "Nous remontons, capitaine, nous sommes en surface. Je sors le périscope.
    – Bon, nous voici hors d’affaire ; nous ne sommes pas loin des côtes africaines, j'espère qu'ici nous serons hors de portée de ces pirates, nom d’un chien de tonnerre de Brest.

    Mais… Capitaine, notre bateau est bien… un sous-marin, dites-moi ?
    – Évidemment, moussaillon !
    – Alors, je n’ai pas la berlue, mais là je crois bien que j’ai perdu la raison : Deux animaux de la brousse à la mer ! À babord un éléphant, à tribord une antilope ! Regardez comment l'éléphant nage bien, et vite ! Oh, l’antilope … Non, les Dupondt, ne tentez rien, lâchez cette bouée ; elle est perdue, la malheureuse.
    – Mais comment fait-il pour flotter, ce pachyderme ?
    – Hé hé … La poussée d'Archimède, voyons !

    La pauvre antilope, affolée, pensait y échapper, mais elle est affolée. Comme nous, elle est prise dans le tourbillon des combats, dépassée, submergée, c'est la fin, c'est notre fin. Que pouvons-nous nous y faire ?
    – Rien, voyons, moussaillon ! récupérons Milou, et en plongée toute, vite !"

    Loïc R.

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  • 8 mai : Un appel international
     
    Un 8 mai, jour de la commémoration de la victoire de 1945, à l'entrée de la Ville Close de Concarneau. Un groupe de femmes est arrivé, elles se sont installées en plaisantant, arborant de grands sourires. Libérées, pas coincées pour un sou, elles ont répondu à l'invitation du Mouvement de la Paix, elles se présentent : Les "Vocal Barbak, de Lorient, collectif de femmes engagées".
    Les touristes, très nombreux en cette période de "ponts", semblent, pour certains, interloqués. D'autres sont indifférents, ou pressés en tous temps et en tous lieux, et poursuivent laborieusement leur chemin dans la foule et dans le défilé de gaufres, glaces et autres.
    Mais les incantations produisent peu à peu leurs effets : Des voix d'alti, graves, fortes, profondes, égrènent des litanies ou des chants de protestations, de luttes qui ont en commun le féminisme et le pacifisme. 
    De grandes banderoles du Mouvement de la Paix sont déployées. Très vite un bon nombre de spectateurs sont envoûtés par la force de ces voix convaincantes. On applaudit, on reprend en choeur les chants du groupe chilien Quilapayun  ...
     
     
    "El pueblo unido, jamas sera vencido"
     
    Et un maître-mot / slogan du Mouvement de la Paix :
    "Si veux la paix, prépare ... la paix !"
     
     

    8 mai : Un appel international

    "Quilapajun" : un nom de groupe musical, mais, bien plus, un cri, un appel, une lutte des années 70 ... Plus précisément 1973, dans le Chili de Pinochet.
    Pour moi, "adulescent" à cette époque où le mot n'existait pas encore, les luttes au Chili étaient très présentes. je les vivais au jour le jour, je souffrais avec Victor Jara sur l'arène ...
     
    8 mai : Un appel international
     

    Q U I L A P A J U N


    Fureur du rêve.
    Fureur de la révolte. 
    Notre fureur est juste,
     
    Nous aurions le droit,
     
    Le devoir, de la violence.
     
    La mer est rouge

    Comme notre cœur, 
    Violenté, écorché,
     
    Torturé,
     
    Indécence écarlate
     
    De la colère explosive.
     
    Je valserais les mots
     
    S’il fallait les valser,
     
    Mais la voix du bandonéon
     
    Expire lentement,
     
    Impuissante.
     
    Les martyrs ont souvent

    Le cœur en sang, 
    Le sang aux yeux
     
    Les yeux en larmes.
     
    Creuse, Petit, et n’oublie pas :
     
    Sous le sable des plages, sous le sable des stades
     
    Encore, et toujours, du sang.

    Chants de vie , 
    D’espoir, de justice,
     jamais ne seront vains.
     
    Loïc Roussain.
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  •  

    « Du vent dans la tête », ou « Avel fol »…

    Jean-Yves, l'instit'-directeur d'école qui, semble-t-il, a toujours été là, au moins depuis Jules Ferry, arrive comme à son habitude sur son antique moto allemande, récupérée par son père en 1945. Pas de porte-bagages, pas besoin de cartable, tout reste à l'école, et les cahiers sont corrigés, en fin de journée, lorsqu'il est revenu de sa virée habituelle sur la côte. « Ça change les idées… »

    Sébastien, lui, est planté au milieu de la cour, jambes écartées, et se précipite vers la moto, saute au cou de Jean-Yves, un gros bisou, la journée peut commencer.

    Trois personnes, ici, s'occupent de Sébastien : Marianne, la dame à tout faire. C'est tout dire. Elle fait absolument tout, sauf -exception notoire- la vaisselle du repas de midi, réservée, par tour de rôle, aux « Cours MoyenS ». Jean-Yves, le directeur, est aussi , bien sûr, secrétaire de mairie, et rédacteur du petit bulletin municipal. Il gère aussi les réunions et la publication de la feuille de chou de l'Opposition. Son épouse, comme lui, sait à peu près tout ce qui se passe sur l'île : elle est la coiffeuse de l’île. Ils sont donc tous deux, un peu, confidents de ceux qui ne vont pas à confesse.

    Moi, à Ouessant, je ne suis plus tout à fait un « doryphore ». J'enseigne pour la première année, et on m'a nommé sur l'île pour y préparer mon CAP… Je réside donc en insulaire, je ne suis plus le touriste d’il ya deux mois. Habitant à Brest, j’étais tout heureux lorsque j'ai reçu ma nomination à « Brest 5». Mais cette circonscription comprend aussi la commune d’Ouessant… Et en cette année où un certain caudillo Franco meurt interminablement, le temps est encore plus long lorsqu'on se sent en exil !

    J'ai la « section enfantine » : une dizaine d'enfants en maternelle (tous âges confondus), et trois en Cours Préparatoire : c'est sur ces trois-là que Monsieur l'inspecteur jugera si je suis apte… ! Jean-Yves, lui, a tous les autres élèves de l'école.

    Sébastien a sept ans. Il n'est ni en section enfantine, ni en cours préparatoire. Dieu seul sait où il est. Lorsque nous sommes sur la cour, il erre en faisant de grandes enjambées, s'accroupit parfois, gratte la terre, la mange ... Il se relève, lève la tête, observe le ciel pendant de longues minutes, ses yeux roulent, son regard accroche de temps en temps un autre enfant qui passe, il peut rester ainsi durant toute la récréation. Presque sans arrêt, il chantonne : « auprès de ma blonde, fait bon , fait bon, fait bon ». Ce sont strictement les seuls mots que je l'ai entendu prononcer. Jean-Yves et moi, souvent, le faisons s'asseoir sur les marches, entre nous deux, et tentons d'avoir un contact… Mais nous ne sommes manifestement pas du même monde.

    Régulièrement, en classe, Sébastien « fout son bordel », comme disent les autres enfants. Les autres enfants, ils parlent comme leurs parents. Le père, le plus souvent, est en mer, dans la Marchande. La mère, comme souvent dans les ports, s'occupe de tout à la maison. Jean-Yves lui a souvent expliqué, à la mère, que Sébastien serait bien mieux sur le continent, où on s'occuperait de lui dans un endroit spécialisé … Mais il n'en est pas question. En 1975, on ne quitte pas l'île si facilement. Et il serait en pension, vous vous rendez compte, à sept ans : je ne veux pas l'abandonner… Et si vous ne le prenez pas, il ira à l’école des soeurs, pas d'autre solution.

    À Ouessant, en 1975, 45 élèves à Skol an Diaoul (« l’école du Diable », l'école publique), 250 à l'école Sainte Je-ne –sais-plus-qui. Alors…

    Quarante-trois ans plus tard, où es-tu Sébastien ? Qu’es-tu devenu ?

    As-tu réussi à apprendre autre chose qu'« Auprès de ma blonde » ?

    Dérision.

    « Du vent qui passe dans sa tête, en courant d'air continu entre les deux oreilles, sa mère lui avait toujours dit ».

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