• Odeur des pluies de mon enfance.
    Derniers soleils de la saison !
    A sept ans comme il faisait bon, 
    Après d'ennuyeuses vacances,
    Se retrouver dans sa maison !

    La vieille classe de mon père,
    Pleine de guêpes écrasées,
    Sentait l'encre, le bois, la craie,
    Et ces merveilleuses poussières
    Amassées par tout un été.

    Ô temps charmant des brumes douces,
    Des gibiers, des longs vols d'oiseaux !
    Le vent souffle sous le préau,
    Mais je tiens entre paume et pouce
    Une rouge pomme à couteau.

    René-Guy CADOU - 1920/1951

    Un souvenir d’école : le moment de la « récitation »,
    d’après le poème de René-Guy Cadou : « Odeurs des pluies de mon enfance ».

    Les grands sont, selon leur habitude, entrés les premiers en classe, nous bousculant dans l’escalier et le couloir. Nous, nous suivons calmement, et nous nous installons, bien gentiment… Il ne nous manque que l’auréole au-dessus de la tête…
    Alors, M. Appriou déclare – et c’est pour moi un des meilleurs instants de la semaine - : « Récitation ! ». Il rejoint sa place favorite, au fond de la classe, près de l’armoire, et allume un poste de radio en plastique blanc, tout en formes arrondies, « La Voix de son Maître »… Et nous devons, les mains à plat sur nos tables, écouter les modèles de diction, avec des exemples, et nous nous exerçons, sur commande, à répéter. Et défense de sourire !
    M. Appriou a une voix curieuse, métallique, presque celle d’un robot. Il a été opéré d’une maladie dont nous ne savons rien… et, en plus, il est totalement sourd, malgré son appareillage. Il y a longtemps que nous nous en sommes aperçus et, d’un commun accord tacite, nous faisons tous avec, c’est à dire que je ne me souviens pas avoir connu un maître plus respecté, plus aimé, et même, quant à moi, adulé à un point qu’il fut un modèle…
    Puis c’est le tour des volontaires, pour réciter. Moi : toujours ! Déjà le goût du théâtre, peut-être, ou du Grand Guignol ?
    « La grenouille qui voulait se faire aussi grosse que le bœuf, de Jean de La Fontaine ». Je l’adore, cette grenouille ! Je la fais vivre, je la vois, je la fais grossir, et je déclame, sans parler fort – ça ne sert à rien ! – mais avec vigueur, gestes, et grimaces ! Je m’identifie à la bestiole, et, au moment où j’explose, je parviens à donner à tous l’illusion de projeter toutes sortes de débris grenouillesques sur les murs de la classe, et M. Appriou, suprême hommage, éclate de rire en applaudissant…
    La plus belle minute de ma semaine vient de passer, les autres élèves – mes rivaux ! - vont à présent égrener leurs sempiternels Emile Verhaeren, ou Maurice Carême , qui me font bailler…
    J’ai revu mon maître, quelques années plus tard. Il était en retraite, se souvenait bien de moi et de ma grenouille, ce qui me flatta beaucoup.
    Moi, je m’apprêtais à « reprendre le flambeau », selon son expression… Mais la radio scolaire n’existait plus.
    J'ai écrit ce texte en 2004. Je suis appareillé, moi aussi, à présent, d'aides auditives ...

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  • "Décrire un objet sans le nommer" était la consigne pour notre "travail" en atelier ...
    (Défense de cliquer tout de suite sur le titre de ce message !)

    Que serais-je sans toi, compagnon si fidèle ! Tu es comme l’eau, dont on ne réalise l’importance que lorsqu’elle est absente. Tu m’éveilles chaque jour, m’ouvrant les yeux à la vie, aux petites broutilles comme aux grands drames.

    Tu es vivant, né du noble bois qui est ton essence. Vivant de la voix des personnages qui t’animent, des icônes où je retrouve mon entourage familier. Tu es éphémère et permanent tout à la fois.

    Ton esprit, ta ligne de pensée sont omniprésents et reconnus. Les auteurs et les responsables de ton existence sont présents sur la place publique, appréciés, et l’intérêt de ton existence réside dans les affrontements que suscitent leurs actions.

    Tu es furtif, et vite rejeté, obsolète, et tu termineras ta vie dans une poubelle ou un barbecue. Tu es symbole de liberté, de tolérance, d’humanisme, et tu luttes, par ta seule présence, contre tous les autoritarismes et les autodafés.

    De l’horaire des marées à la critique littéraire en passant par les mots croisés, la vie associative et les débats politiques, tu es source de vie sociale, de créations d’emplois, de relations humaines.

    Cinq heures trente, tous les matins, même le dimanche : Le cyclomoteur ralentit, "le Télégramme" tombe dans ma boîte aux lettres. Le café peut fumer, la journée peut commencer !

    Loïc R.
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    3 commentaires
  • Alex*, depuis plusieurs nuits, était très perturbé. Des grelots, des tintements, le tenaient éveillé, et l'image d'un gros bonhomme rouge, au visage bouffi de « bon vivant », l'obsédait.
    Il n'avait jamais aimé le Père Noël, ni tout ce qui gravitait autour de lui, car ses parents l'avaient éduqué dans la conviction que l'on ne doit pas mentir aux enfants... Mais alors, pourquoi ce mythe revenait-il le chatouiller, chaque nuit? Avait-il, peut-être, quelque chose à se reprocher? Le Père Noël – en admettant, tout de même, quelque part, qu'il existât - avait-il eu vent du fait qu'Alex affirmait à tous ses copains sa non-existence?
    Il allait en avoir le coeur net. Un soir, avant de monter se coucher, il emprunta le caméscope de son papa, vérifia que celui-ci était bien équipé d'une cassette de longue durée, et que la batterie était bien rechargée... Il camoufla l'appareil sous son oreiller, un doigt sur le bouton, puis attendit. Combien de temps?.... Il s'était endormi, ayant eu au dernier moment le réflexe de mettre en marche... Le matin, il n'avait rien vu, ni entendu.
    Il sauta du lit, évidemment, brancha le caméscope sur le téléviseur, et... le monde entier commença à défiler devant lui! D'abord, sa chambre, où on le voyait dormir à poings fermés, puis sa maison, sa rue, sa ville, survolée – en traîneau, très certainement – au son tintinnabulant de grelots aigrelets. Puis, une grosse voix, à la fois sévère et tendre: « Nous nous trouvons actuellement au-dessus du pont de Tancarville, et nous nous dirigeons vers les Açores. Voici à présent Fort-de-France, puis Cap Kennedy... ». Tout se passait à une vitesse fulgurante.
    Un bruit, soudain: Papa, derrière le canapé, ouvrait la porte.
    - « Mais que fais-tu là? Déjà levé? Et tu as encore allumé la télé! Eteins ça, tout de suite!
    - Mais, papa... bredouillait-il, les yeux écarquillés... Rembobine la cassette, et regarde...
    - Quoi? dit le père. Tu divagues, ou quoi? »
    Après quelques instants, le père d'Alex, par curiosité – tout de même! - a remis la cassette en lecture. Durant vingt minutes, il n'a pu voir qu'un scintillement d'étoiles, comme sur les écrans de veille d'ordinateurs, avec une bande-annonce qui défilait imperturbablement:
    « Réservé aux enfants - Réservé aux enfants - Réservé aux enfants - Réservé aux enfants... »
    * : Mon prénom a, bien sûr, été changé ...
    Mais je vous assure que c'est bien moi qui ai rêvé !
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